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3. La filière manioc au Bénin

La filière manioc au Bénin a fait l’objet de nombreuses études, parmi lesquelles ont été consultées au cours de la mission (cf annexe 2, § 1.3 Sources d’informations consultées):

- Les études réalisées par le GERAM :

- L’étude réalisée pour la FAO : - L’étude réalisée pour l'agence danoise de coopération internationale dans le cadre du Programme d’Appui au Développement du Secteur Agricole - PADSA : - L’étude réalisée par la CFD dans le cadre du projet d’amélioration et de diversification des systèmes d’exploitation dans les départements du ZOU et du BORGOU : L’analyse de la filière, à partir des travaux déjà réalisés par le GERAM et de la mission conjointe TECH-DEV / GERAM dans le ZOU du 04/12 au 07/12/97, ainsi que des propositions d'amélioration de la filière traditionnelle, font l’objet du rapport, en annexe 3, établi par le GERAM dans le cadre de cette étude.

3.1. Historique de la culture du manioc au Bénin

Le LARES (Professeur John IGUE), sur la base des travaux de M. MIEGE, agro-ethnologue, présente l’histoire de la culture du manioc de la façon suivante: contrairement aux produits vivriers " civilisationnels " comme le riz (Casamance, Guinée), le mil et le sorgho (Ghana, Mali), l’igname (pays du golfe de Guinée, de la Côte d’Ivoire au Nigéria) et la banane plantain (Cameroun, Afrique Centrale), le manioc est un produit vivrier " récent " : il a été importé par les Africains des Amériques, en particulier du Brésil, de retour en Afrique de l’Ouest.
La culture du manioc a alors connu un développement très important au Bénin, de même que les techniques de sa transformation en gari (" importation " des habitudes alimentaires brésiliennes - farinha ).
Par ailleurs, cette culture a connu un développement intensif au Togo entre les 2 guerres, pour son usage industriel (amidon pour l’industrie textile) ; ceci a contribué à l’extension de ces cultures dans l’Ouest du Bénin.
De plus, le développement des palmeraies a engendré la nécessité de développer une culture peu exigeante en main-d’oeuvre et à rendement élevé, contribuant à l’alimentation des populations rurales ; la culture du manioc répondait précisément à ce contexte.
Le manioc devient une plante "commerciale" dès 1975, avec la demande croissante des pays frontaliers comme le Niger et le Nigéria (importation de gari sous l’influence des béninois immigrés dans ces pays, attirés par le boom des matières premières dans ces pays).
Aujourd’hui, de nouveaux enjeux apparaissent : Cependant, malgré ce contexte favorable, la production de manioc stagne ; le LARES (Professeur John IGUE) attribue cette situation au fait que, dans la logique paysanne, le producteur privilégie la sécurité de son alimentation (auto-consommation) et la régularité de ses revenus (prix régulateur offrant une garantie suffisante), ceci dans le respect de l’équilibre avec son milieu, plutôt qu'une activité spéculative, dont l'avenir n'est pas assuré, du fait de l'absence d'organisation de la filière.
Tout projet de développement de la production doit intégrer cette logique paysanne, en cherchant à sécuriser les revenus du producteur par un système de prix stable, suffisament rémunérateur, régulé suivant une amélioration progressive et planifiée.

3.2 Les produits dérivés du manioc et leurs utilisations

3.2.1. Alimentation de base pour l’homme

Le manioc est consommé par la majorité de la population, plus particulièrement dans le Centre et le Sud du Bénin, en complément du maïs (le Nord étant traditionnellement une région de culture et de consommation d’igname, en complément du mil et du sorgho).
Son prix faible en fait un aliment de base dont la consommation s’accroît avec la paupérisation rurale et urbaine.
Le tubercule de manioc représente une réserve d’autoconsommation pour le paysan (conservation dans le sol plusieurs mois) ; par contre sa commercialisation en frais est limitée (une fois arraché, le tubercule doit être consommé ou transformé dans les 48 heures ; au-delà, les pertes sont très importantes, jusqu'à 100%).
La consommation du manioc transformé se fait sous 2 formes essentielles : le gari et la farine de cossettes de manioc ; 600 000 T de manioc seraient transformées en gari, par an.
Le gari : il y a lieu de parler " des gari " plutôt que " du gari " ; en effet, plusieurs qualités existent sur le marché, en fonction de la variété des tubercules utilisés et du mode de préparation : durée de la fermentation, taille des grains, mode de séchage (100% cuisson sur feu de bois ou finition par séchage au soleil, ...).
Le gari s’obtient à partir du manioc râpé, puis fermenté, tamisé et grillé.

Le gari se consomme sec, en accompagnement d’haricots bouillis, .., délayé dans de l’eau froide (boisson très prisée, notamment par les jeunes), ou encore sous forme de " piron " : mélangée à l’eau bouillie, on obtient une pâte solide, très consistante, qui accompagne les sauces.
De même qu'au Togo, Ghana et Nigéria, le gari représente au Benin une composante importante du régime alimentaire des populations, tant rurales qu'urbaines; il est consommé par toutes les couches de la population, en particulier les femmes et les enfants ; c'est l'aliment de la sécurité alimentaire des foyers familiaux.
La valeur nutritive du gari peut être améliorée par ajout de lait de coco, de lait concentré sucré, de sucre et de jus de citron (cf annexe 3, page 4).
Une technique d'enrichissement du gari en protéines et / ou vitamine A à partir de soja et / ou d'huile de palme a été mise au point par le département de Nutrition et Sciences alimentaires de la Faculté des Sciences Agronomiques de l'Université Nationale du Bénin, en collaboration avec l'IITA d'Ibadan au Nigéria.
Le tapioca : il s’obtient à partir de l’amidon extrait de la pulpe de manioc râpé ; délayé dans l’eau (froide ou chaude), il est consommé sous forme d’une bouillie pouvant être améliorée par adjonction de sucre, lait, lait de coco, lait de soja, ....
La farine de cossettes : elle est obtenue par broyage au pilon des cossettes séchées au soleil ; délayée dans l’eau chaude, la pâte de farine de cossettes accompagne les sauces.
La farine de manioc peut être utilisée en substitution ou en complément de la farine de blé pour la fabrication de pain de manioc et de biscuits (cf § 4 ci-après et les extraits du rapport sur la valorisation du manioc réalisé pour le PADSA, en annexe 7.4) ; cet usage n’est pas actuellement développé au Bénin. Des travaux de recherche ont été réalisés dans ce domaine, notamment par l’IITA - Ibadan et par le CIRAD - Montpellier.
Cette utilisation représente un débouché d’avenir pour la farine de manioc.

3.2.2. Usages industriels

L’amidon de manioc a de nombreux usages industriels dans le domaine de l’industrie textile, de l’industrie pharmaceutique, de l’industrie alimentaire, de l’industrie du bois, du papier, ...
Les industries pharmaceutiques et alimentaires exigent cependant un produit de haute qualité.
Ces usages ne sont pas développés à l’heure actuelle au Bénin, probablement du fait d'un marché trop étroit et d'une concurrence vive sur le marché international.

3.2.3. Aliment du bétail - Provende

L'utilisation du manioc comme aliment du bétail n’est pas développée au plan national, probablement pour des raisons culturelles, le manioc étant avant tout destiné à l’alimentation de l’homme.
A noter, cependant, le projet des Etablissements ADEOSSI à Savè pour la fabrication d’aliment du bétail à partir de tourteaux d’arachide, en provenance de son unité d'extraction d'huile d'arachide, et de cossettes de manioc, en substitution à la farine de maïs ; ce projet a été étudié en partenariat avec les Etablissements GUYOMAC’H (FADE CFD en Mai 1995) ; cependant, cette activité reste marginale (unité de fabrication d'aliment du bétail actuellement à l'arrêt, cf § 3.4.2.B1 ci-dessous).
Par ailleurs, le marché international (en particulier européen) est demandeur de cossettes de manioc en tant que PSC pour la composition d’aliment du bétail.
Il s’agit d’un marché très important, occupé traditionnellemnt par les pays d’Asie du Sud-Est (Thaïlande notamment), pour lequel l’Afrique a un avantage comparatif (proximité géographique par rapport à l'Europe).
Un partenariat a été récemment mis en place (Février 1996) entre la Coopérative du Gouessant (France) et l’Union Sous-Préfectorale des Producteurs (USPP) de Zogbodomè pour l’exportation de cossettes vers la Bretagne (objectif : 15 000 T par campagne à partir de 1998 - 1999).
Après 2 campagnes médiocres (2000 T exportées en 1996, pas d’exportation en 96 - 97), l’expérience se traduit par un échec (arrêt des activités de la SARL SOBBECA prévu fin 97 ; cf § 3.4.3).

3.3. Les prix à la consommation des produits alimentaires dérivés du manioc

3.3.1. Le gari

Le prix du gari est très variable suivant la période de l’année, d’une part, et suivant sa qualité / son origine géographique, d’autre part.
Cette variabilité apparaît dans les relevés des prix sur les marchés périodiques, publiés par l’ONASA (lettre d’information sur la sécurité alimentaire - système d’alerte rapide LISA-SAR, Janvier et Juillet 1996, en annexe 4.1).
La moyenne annuelle du prix du gari " ordinaire " en 1996 (126 FCFA / Kg) est le plus bas des prix des produits agricoles suivies par la Direction de la Promotion, de la Qualité des Produits et du Conditionnement (DPQPC) - cf annexe 4.2.
Le gari est donc un produit alimentaire très économique.
La haute valeur calorifique du manioc (398 kcal/100 g de matière sèche soit environ 126 kcal/100 g de tubercule) en fait un produit essentiel de la sécurité alimentaire, en particulier pour les populations les plus démunies, en milieu rural comme en milieu urbain.
Par ailleurs, il existe également un marché pour le gari "haut de gamme" ; celui produit dans la région de Savalou a une réputation de très grande qualité ; son prix peut atteindre 400 FCFA/Kg, certains acheteurs se rendant sur place pour en faire l’acquisition.
Les super-marchés de Cotonou vendent du gari de 1er choix, conditionné en sachets, à des prix très supérieurs à celui du gari vendu en vrac (prix relevés par le GERAM dans 3 super-marchés de Cotonou : 375 à 550 FCFA / Kg, cf annexe 4.3).
De même, des produits à base de gari , auquel sont ajoutés du sucre, du lait concentré, du lait de coco, du jus de citron, des graines d'arachide, ... sont vendus à des prix très élevés (entre 800 et 850 FCFA / Kg pour les produits qui ont pu être identifiés, cf annexe 4.3).
Ces produits s'adressent à une clientèle aisée dont il faudrait évaluer la demande potentielle ; il s'agit là d'un marché nouveau qui offre des opportunités rémunératrices.
Il serait intéressant de se rapprocher du Diocèse de Cotonou (CFPAA) et du projet "PRO'LOCAUX" qui distribuent ces produits (cf annexe 4.3), afin de connaître l'origine de leur fabrication, leur prix de revient, ....
A noter que le Groupement de Femmes de Wadokpo est le seul groupement rencontré qui fabrique ce type de gari amélioré (cf § 3.5.1.A ci-dessous).

3.3.2. Farines de cosettes de manioc

Traditionnellement, les cossettes de manioc sont achetées sur les marchés et pilées à domicile pour être transformées en farine.
Le prix moyen des cossettes de manioc sur les marchés en 1996 est de 70 FCFA / Kg (cf annexe 4.1).
Cependant, commencent à apparaître sur les rayons des super-marchés de Cotonou des farines de cossettes de manioc ou d'igname, conditionnées en sachets de 500 g et 1 Kg.
Les prix relevés (annexe 4.3) ne sont pas suffisamment représentatifs et présentent des discordances importantes (farine de cossettes d'igname) ; il sera donc nécessaire d'approfondir l'enquête de prix.
Il y a lieu de noter la vente à Cotonou de farines produites au Ghana par ELSA-FOODS Ltd (cf encadré du § 4.1.1 ci-dessous).
Il s'agit là aussi d'un marché potentiel en milieu urbain, certainement très rémunérateur.

3.4. Les différentes composantes de la filière manioc

3.4.1. La production

Le manioc est cultivé dans les 6 départements du Bénin, les départements de l’Ouémé, du Zou et de l’Atlantique (Centre et Sud du Bénin) représentant 75% de la production nationale de la campagne 1996-1997 (cf cartes jointes au rapport du GERAM en annexe 3 et statistiques de production des Centres d’Action Régionale pour le Développement Rural - CARDER en annexe 5.1).
La production de la campagne 1996-1997 (1 453 489 T) est en progression régulière (+ 9,4%) par rapport à la campagne 1995-1996 (1 328 634 T).
Entre les campagnes 1990-1991 et 1996-1997 la progression est de +55%, du fait de l’augmentation des surfaces cultivées ; le rendement moyen à l’hectare est resté faible, entre 8,0 et 8,7 T/ha, sur l’ensemble de la période (cf annexe 5.2).
Si les surfaces cultivées en maïs viennent en tête, le manioc représente, au cours des campagnes 1995-96 et 1996-97 la plus forte production en tonnage, suivie de près par l’igname (cf annexes 5.1 et 5.3) ; au cours des campagnes précédentes, la production d’igname vient très légèrement en tête, devant la production de manioc (cf annexe 5.4).
A cette prédominance quantitative, s'ajoute le fait que le rendement calorique du manioc à l'hectare est très élevé par rapport à d'autres cultures ; sur la base d'un rendement de
9 T / ha, le rendement calorique est de 9 T / ha x 127 Kcal / 100 g = 11,4 x 10 puissance 6 Kcal / ha (pour le maïs : 7,6 x 10 puissance 6)
Le bilan vivrier national pour le manioc (campagne 1994-1995) met en évidence un solde disponible de 405 409 T (soit 39% de la production utile, laquelle correspond à 90% de la production totale), après déduction de l'estimation de la consommation par les populations dans les zones de production (cf bilan vivrier établi par l’ONASA en annexe 5.5).
Ce solde disponible présente par ailleurs un potentiel de développement considérable, à surfaces enblavées constantes, dans la mesure où les rendements actuels à l’hectare sont faibles, entre 5,3 et 14,6 T/ha (variétés locales sur terrain pauvre et sans apport d’engrais), alors que des variétés sélectionnées atteignent des rendements de 20 à 22 T/ha sans utilisation d’engrais (avec assolement pour maintenir la fertilité du sol) et de plus de 30 T/ha avec engrais (cf annexe 6).

Il existe donc une opportunité très intéressante de développement significatif de la filière, à la fois pour la sécurité alimentaire des grands centres urbains et pour l'exportation vers l'Europe de cossettes, en tant que PSC pour l'alimentation du bétail.

Cependant, la culture du manioc reste une culture pratiquée par les paysans sur une base individuelle ; le nombre de parcelles (0,2 ha) détenues par un même producteur est limité (entre 5 et 10) ; ces faibles superficies (en moyenne de l’ordre d’un hectare) ne favorisent pas la mécanisation des cultures.
Les quelques expériences de plantations importantes qui nous ont été rapportées, mettent en évidence le problème de la non-disponibilité de main-d’oeuvre en quantité suffisante pour les travaux de sarclage, arrachage, ... :
- ferme (plantation) des Etablissements ADEOSSI à Savè : 3 200 ha dont seulement 100 ha de manioc avec un rendement annoncé de 20 T/ha (variétés BEN et TMS) ; emblavement de 60 ha en 1997, alors qu'en 1995, la surface emblavée aurait été de 240 ha.

En 1993, la Direction de l’entreprise a mis en place un programme de mise en culture comprenant un volet culture industrielle (emblavement en manioc de 900 ha à l'horizon 1997 / 1998 sur la plantation ADEOSSI) et un volet culture paysanne contractualisée (appui aux producteurs de la région, cf encadré ci-dessous).
Ce programme a bénéficié d'un prêt AIPB de l'agence de la CFD à Cotonou, mis en place en 1994.
L'objectif de ce programme était d'approvisionner l’unité gari en racines de manioc, en quantités suffisantes (cf § 3.2.2 ci-dessous).
Les raisons évoquées par la direction de l’entreprise de la non réalisation de ce programme sont les suivantes :

  • culture industrielle : le faible niveau actuel d'emblavement en manioc de la plantation serait dû à l'impossibilité de trouver de la main-d'oeuvre pour les travaux dans la plantation.
  • culture paysanne : échec de la tentative de contractualisation des achats aux producteurs du fait d'une approche des relations entre l'entreprise et les paysans (problème de confiance, pas de motivation financière suffisante ; cf encadré ci-contre)
plantation de Madame Juliette O’Gbonnikan à 6 Km de Savè, en brousse (accès, par la piste, très difficile en saison des pluies) : 54 ha achetés en 1989 (44 ha sont toujours en litige avec les héritiers propriétaires) dont 5 ha emblavés en manioc (variété TMS) en 1990 ; arrêt des activités de fabrication de gari à une échelle semi-industrielle (cf § 3.4.2 B2 ci-dessous) en Août 1993 ; la non-disponibilité et le coût de la main-d’oeuvre sont évoqués comme étant les
Programme d’appui aux producteurs, initié par les Etablissements ADEOSSI pour la campagne 1993-1994 ; entretien le 12/12/97 avec la Direction de l’entreprise ADEOSSI

Des crédits de campagne " revolving " aux producteurs de la région de Savè ont assuré le pré-financement des coûts de mise en culture, à hauteur de 50% ; l’objectif de ce dispositif était la mise en culture de 500 ha supplémentaires par an pendant 4 ans (cf dossier AIPB ADEOSSI).
Le bilan, aujourd'hui, est le suivant :
- certains prêts n’ont pas été remboursés,
- l’engagement de vente de manioc à l’usine ADEOSSI, pour un montant au moins équivalent au montant prêté, n’a pas été systématiquement respecté, les producteurs préférant vendre au plus offrant,
- l’approvisionnement de l’unité gari proviendrait exclusivement de la ferme ADEOSSI, ce qui est insuffisant pour assurer le niveau de production nominal de l’unité.
L’analyse des causes probables de l’échec de cette expérience est la suivante :
- une approche du producteur de type " acheteur / vendeur ",
- la forme du contrat qui ne prévoit pas de prix plancher (prix garanti) préservant les intérêts des producteurs,
- pas de réelle relation de partenariat avec les producteurs (problème de confiance).
Par ailleurs, la Direction de l'entreprise se pose la question : comment faire respecter les clauses contractuelles ; quelle peut être l'autorité compétente (?).

principaux problèmes en ce qui concerne la culture de manioc à une échelle "industrielle" (plantation).
Dans ce contexte, l'approvisionnement en quantité significative d'unités semi-industrielles de transformation du manioc nécessite:
- de mettre en place une logistique de collecte auprès des producteurs individuels,
- de leur apporter un appui technique (choix des variétés, accès aux boutures sélectionnées, techniques d’assolement, engrais, ...) et financier (crédits de campagne, achat sur pied ou au comptant des tubercules, prix au Kg ou à l’ha suffisamment attractif pour inciter le développement de cette spéculation),
- de développer une relation de confiance, de type partenariale, entre acheteur et producteurs, seul moyen de fidéliser les producteurs sur la base d'intérêts partagés et de solidarité réciproque ; l'expérience de la société SOBAP est à ce titre exemplaire (cf encadré ci-dessous).

Modalités d’approvisionnement de l’usine SOPAB en coton brut ; entretien avec Monsieur ABIMBOLA, Directeur Général, à Cotonou le 11/12/97 :

La société SOPAB (Société des Pansements du Bénin) à Cotonou intègre son approvisionnement en coton brut de la manière suivante :
  • culture industrielle dans la ferme de 100 ha à Kétou (Ouémé),
  • achat de coton - graines à des petits producteurs individuels réunis en coopérative, sous l’impulsion de Monsieur ABIMBOLA, originaire de la région, ancien Député, " reconnu " par les producteurs, (contrats d'approvisionnement)
  • égrénage à façon dans les usines SONAPRA (usines d'Etat),
  • transport jusqu’à l’usine SOPAB à Cotonou.
Les modalités pratiques de cette expérience, réussie, mériteraient d’être approfondies pour servir de référence pour l’approvisionnement de petites unités industrielles de transformation du manioc en produits déshydratés

3.4.2. La transformation

A. Le secteur traditionnel

La transformation du manioc, essentiellement en gari et entapioca, est traditionnellement réalisée par les femmes en milieu rural, à titre individuel ou en groupement (Groupements de Femmes).
Cette production est d’abord réalisée pour l’autoconsommation au niveau familial ; le surplus est vendu sur les marchés locaux ou à des intermédiaires qui collectent le gari pour le revendre sur les marchés de regroupement, avant d’être acheminé vers les marchés urbains de consommation ou pour être vendu dans les pays frontaliers (Niger, Nigéria, Togo), ceci de façon informelle (cf annexe 8.1).
La transformation des cossettes de manioc séchées en farine est réalisée traditionnellement à domicile par les femmes (cossettes broyés au pilon).

A1. Transformation du manioc en gari au niveau individuel
Le travail individuel par les femmes est totalement manuel ; certaines utilisent les services (payants, à la prestation) d’une râpeuse motorisée, louée à un particulier ou à un GF.

A2. Transformation du manioc en gari par les Groupements de Femmes
Des femmes en milieu rural décident de mettre en commun une partie de leur temps et des moyens pour mener un certain nombre d'activités agricoles et de transformation, comme la fabrication de gari..

Elles se regroupent de façon formelle au sein d'associations, les Groupements de Femmes (GF), structurées avec un Bureau (Présidente, Vice-Présidente, Trésorière), une (ou un) Animatrice et une Secrétaire.
Cette existence juridique leur permet, entre autres, de bénéficier d'appuis extérieurs, technique et financier.
Un recensement récent indique qu’il existe entre 250 et 270 GF, ce qui représente un effectif global de plus de 2500 femmes.
Dans les 5 GF rencontrés au cours de la mission de terrain (cf annexe 3), les femmes y travaillent à temps partiel (2 à 3 jours / semaine) ; elles se partagent en général 1/3 de leur production de gari pour leur propre consommation ; le solde de gari produit est vendu par le groupement, la recette permettant de faire face aux coûts d’exploitation (achat des tubercules, consommables - essence ou fuel - si le GF possède une râpeuse motorisée -, ...), le surplus (bénéfice du GF) étant soit partagé entre les membres, soit épargné auprès des Caisses Locales de Crédit Agricole Mutuel (CLCAM) ou auprès des Caisses Rurales d'Epargne et de Crédit (CREP), récemment mises en place par SASAKAWA GLOBAL 2000 (cf § 4.1.2 ci-dessous).
Quelques GF (3 sur les 5 rencontrés) ont bénéficié de l'appui financier d'ONG (SASAKAWA GLOBAL 2000, PAGF, Club International des Femmes de Cotonou) pour l'acquisition d'une râpeuse mécanique.
Seul un des GF rencontrés a réalisé des foyers (partiellement) améliorés - foyers fermés mais sans cheminée d’évacuation des fumées.
Le travail des femmes, même lorsqu’elles se regroupent, reste donc très pénible et dangereux pour leur santé (en particulier au niveau du poste de travail rôtissage (cuisson), où les opératrices sont exposées pendant de très nombreuses heures consécutives - jusqu'à 10 heures par jour - à la chaleur et à la fumée.
La transformation du gari occupe une grande partie de leur temps, qui, de par cette activité, ne peut pas être consacré à d'autres tâches.
La technologie traditionnelle de production de gari et de tapioca peut être sensiblement améliorée par les dispositions suivantes, simples, peu onéreuses et disponibles sur le marché béninois :
- réduction de la consommation de bois de feu ; le bois peut également être remplacé, à terme, par une rampe alimentée en gaz ou en biogaz,
- protection des opératrices de la fumée.
Ces foyers peuvent être réalisés très simplement à partir de matériaux locaux (briques de terre, argile, pisé).
Cependant, cette amélioration n'engendre pas de gain financier direct, lorsque le bois n'est pas acheté ; il faut donc effectuer un travail d'information auprès des responsables des GF pour que ce type de foyers soit réalisé, en insistant notamment sur la préservation de la santé des opératrices.

B. Les secteurs semi-industriel et industriel

Seuls les Etablissements ADEOSSI et Fils à Savè ont réalisé une unité de transformation du manioc de type industriel, actuellement en activité.
A signaler l'expérience de Madame Juliette O'Gbonnikan à Savè, qui a réalisé en 1990 une petite unité semi-industrielle pour la fabrication de gari ; cependant, l'exploitation de l'unité a été arrêtée à l'issue de la campagne 1992 - 93 pour les raisons rappelées au § B2 ci-après.
B1. Etablissements ADEOSSI et Fils à Savè
L' installation industrielle des Etablissements ADEOSSI à Savè comprend : de gari 1er et 2ème choix (sacs de 25 Kg), .de farines composées (50% farine de cossettes de manioc, 50% farine de maïs, sacs de 25 Kg), d'amidon (marginal, vendus aux pressings à Cotonou), de "fufu "ou "lafu " (rouissage - fermentation des tubercules dans l'eau - puis pressage, cuisson en sacs de 20 Kg de poudre). Le gari est vendu à la porte de l'usine à Savè et au siège de la société à Cotonou ; le gari représente l'activité principale, les autres produits n'étant fabriqués qu'en quantités faibles.
L'unité "gari" était à l'arrêt le jour de la visite (groupe électrogène en panne) ; les installations ont cependant pu être visitées de façon approfondie avec la participation du personnel technique d'encadrement de la fabrication.
Le bâtiment (env 80 x 20 m) a été construit en 1992.
Les équipements ont, pour la plupart, été achetés au Nigeria entre 1992 (râpeuses, premiers cuiseurs) et 1995 (cuiseurs actuels).
Seul l'épluchage est manuel ; toutes les autres opérations sont mécanisées.
Le descriptif technique des différents postes de travail (caractéristiques des équipements, capacité nominale du poste) figure en annexe 9.

L'effectif permanent de l'unité gari est de 5 personnes (encadrement) ; de plus, 15 hommes et 40 à 80 femmes (épluchage) sont recrutés occasionnellement, en fonction de la charge de travail.
La production annuelle de gari a été de 1350 tonnes en 1994, 95 et 96, soit une moyenne de 5 T / j de gari (entretien à Cotonou avec la Direction de l'entreprise), correspondant à20 T / j de racines fraîches soit 6200 tonnes / an.

Or, l'unité aurait été dimensionnée pour une capacité nominale de 120 T / j de racines fraîches (entretien à Cotonou avec la Direction de l'entreprise) ; ce chiffre correspond à peu près à la capacité nominale du poste râpage, cependant le poste rôtissage (cuisson) ne permet certainement pas de traiter une telle quantité journalière (?).
A noter que l'épluchage de 120 T / j nécessiterait 240 femmes pendant 10 h / j sur la base de 100 Kg en 2 heures (cf annexe 7.1).
La rentabilité de l'unité, aux dires de la direction de l'entreprise, devrait se situer à 50% de la capacité nominale, soit 60 T / j de tubercules (13 T / jour de gari).
Cette estimation ne semble cependant pas s'appuyer sur un réel calcul du seuil de rentabilité des installations.
Les prix de vente au public, tels qu'ils nous ont été indiqués, sont les suivants : Toute la production est vendue ; elle ne suffit pas à satisfaire la demande.
Les racines de manioc proviendraient intégralement de la ferme (plantation) de l'entreprise (cf § 3.2.1 ci-dessus) ; le manioc est comptabilisé au crédit de la plantation sur la base de 6000 FCFA / T (chiffre indiqué par la Direction de l'entreprise ; cependant, il ne correspond pas à la réalité économique ?)

Or, le tonnage de manioc nécessaire pour la fabrication de 1350 T de gari par an est de 6200 T, soit, pour le rendement annoncé de 20 T/ha, une surface emblavée de 310 ha.

Cependant, d'après nos entretiens avec le responsable de la plantation, seuls 240 ha de manioc étaient emblavés jusqu'en 96, 100 ha en 97 ; les chiffres qui nous ont été indiqués ne sont donc pas concordants (?).
Il faut en déduire que, soit la production annuelle a été inférieure à 1350 T de gari, soit des tubercules ont été achetés à des petits producteurs.
En conclusion :

B2. Unité de production de Madame Juliette O'Gbonnikan (gérante)

Une petite unité de production semi-industrielle a été réalisée en 1990 sur la ferme achetée par le mari de Madame Juliette O'Gbonnikan pour transformer le manioc de la plantation en gari de 1ère qualité, intégralement vendu au centre universitaire de l'Université Nationale du Bénin à Calavi (Cotonou) sur la base de 190 FCFA / Kg, convenu par contrat (client unique).

L'installation, à l'arrêt depuis Août 1993 (cf encadré), n'a pas pu être visitée au cours de la mission, la piste d'accès étant impraticable (fin de la saison des pluies).

Unité de fabrication de gari gérée par Madame O'Gbonnikan :

1ère récolte (campagne 1991 - 1992) : production faible du fait d'intempéries ; fabrication et vente de 6 T de gari
2ème récolte (campagne 1992 - 1993) :
5ha x 9 T / ha = 45 T ; fabrication et vente de 12 T de gari
Activité déficitaire :

  • prix de vente négocié : 190 FCFA / Kg
  • prix de revient (coûts directs uniquement) : 200 FCFA / Kg (*)
Août 1993 : décision du mari de Madame O'Gbonnikan d'arrêter l'activité de la ferme et de l'unité de transformation.

(*) : les éléments de coûts directs communiqués par Madame O'Gbonnikan corespondent à un prix de revient direct de 120 FCFA / Kg (?) ; ce point nécessiterait d'être revu avec l'ancienne gérante de l'unité.

L'équipement de l'unité, acheté en 1990, comprenait: Tout le personnel était rémunéré à la journée (travaux dans la plantation par les hommes, épluchage par les femmes) ou à la tâche (cuisson par les femmes).
Les causes de l'échec sont analysées par madame O'Gbonnikan de la façon suivante : C. Comparaison des temps de transformation et des rendements des systèmes traditionnel et semi-industriel

Temps de transformation de 100 Kg de manioc en gari : les temps nécessaires pour chacune des opérations, manuellement et au moyen d'équipements mécanisés, ont été estimés par le Professeur NAGO, Enseignant Chercheur à la Faculté des Sciences Agronomiques de l'Université Nationale du Bénin (cf annexe 7.1).

Ces mêmes calculs indiquent des rendements similaires pour le système traditionnel (21 Kg de gari pour 100 Kg de racines) et pour le système semi-mécanisé (22 Kg).
Les rendements techniques en gari ordinaire, en tapioca et en gari enrichis ont été également établis par M. EGOUNLETY (cf annexe 7.2).

3.4.3. La commercialisation

Le manioc est commercialisé essentiellement sous forme de gari.
Les circuits de commercialisation du gari sont représentés sur la carte en annexe 8.1 (extrait du rapport FAO dèjà cité - note 1) ; 66% du manioc produit (soit 1,4 T x 66% = 900 000 T) serait commercialisé et 20% du manioc commercialisé (soit 180 000 T) se dirigerait vers les centres urbains.
Une autre source d'information indique que 35 à 40 000 T de gari (correspondant à 140 000 à 160 000 T de manioc) alimentent les différents circuits de commercialisation.

Quelques marchés sont cités par le LARES comme étant réputés pour la commercialisation du gari ; il s'agit des marchés suivants :

- dans les zones de production (marchés de collecte et de regroupement) : - à proximité des grands centres urbains (marchés de consommation) : - à proximité des frontières (marchés de transit trans-frontalier) : Du fait de la réputation de qualité du gari béninois, colporté par les béninois qui ont immigré dans les pays de la région, les exportations, informelles, vers les pays limitrophes sont importantes.
Le LARES a pu établir des ordres de grandeur des tonnages correspondants, à partir d'enquêtes sur les marchés de transit dans les pays concernés : A noter également les exportations officielles vers le Cameroun, le Gabon et le Congo, par le port de Cotonou ; la pointe en 1994 (1 221 Tonnes) a déclenché l'interdiction par le Gouvernement béninois d'exporter le gari, par crainte de pénurie sur le marché national, ce qui explique les chiffres bas de 1995 et 1996 (cf annexe 8.2) ; il existe cependant un marché potentiel important vers ces destinations.
Les circuits de distribution font intervenir un trop grand nombre d'intermédiaires, réduisant nécessairement la marge au niveau des transformateurs (cf tableau 11 du rapport du GERAM en annexe 3, page 16).
Les groupements de femmes rencontrés indiquent que, faute de moyen de transport, elles doivent souvent confier leur production à des collecteurs qui se rendent sur des marchés plus ou moins éloignés ; le prix de vente est alors fixé par le collecteur en fonction du "prix du marché" ; il est ensuite la base, a posteriori, de la rémunération des transformatrices par les collecteurs, à leur retour ; cette méthode manque de transparence et pénalise les GF.

Un circuit de commercialisation plus court, mieux organisé et comportant des garanties de rémunération pour les GF permettrait une plus juste rémunération de la transformation.

3.5. Evaluation technico-économique et approche des coûts de production

3.5.1. Transformation du manioc en gari et farines

A. Filière traditionnelle
L'approche des coûts de production au niveau individuel et des GF met en évidence que l'activité n'est rentable (faiblement) qu'à la condition que certaines opérations réalisées par la main-d'oeuvre familiale ne soient pas rémunérées (cf rapport du GERAM en annexe 3, page 13).
Ce constat provient des conditions actuelles du marché (niveaux très bas des prix du gari du fait d'une offre importante) et de la très faible productivité de cette activité (travail manuel, quasi-absence de mécanisation) ; les opératrices, individuelles ou en Groupement, interviennent sur ce marché dans une logique de survie plus que dans une logique de rentabilité économique qui voudrait que le temps de travail soit valorisé.
Cependant, le bilan de l'activité du GF Wadokpo mérite d'être cité ; l'activité manioc de ce GF, rencontré au cours de la mission, dégage, au cours de l'exercice 96, un bénéfice (cf annexe 10).
La marge bénéficiaire (150 780 FCFA soit 94 FCFA / Kg de gari vendu ou 91 FCFA / Kg de gari fabriqué - compte-tenu du tiers de la production auto-consommé) est nettement supérieur à celle estimée par le GERAM (14,9 FCFA / Kg suivant tableau 6 en annexe 3, page 13) ; ceci est dû à la vente de quantités significatives de gari amélioré, à un prix élevé (400 FCFA/Kg).

Le GF reçoit un appui technique de l'ONG APEIF pour cette activité ; APEIF réalise à Cotonou un contrôle de la qualité et assure la commercialisation.
Il est intéressant de constater que ce GF a su rentabiliser son activité manioc en développant un produit à forte valeur ajoutée.
On peut en conclure que, du fait d'un niveau de prix bas du gari en vrac, même pour du gari de 1er choix (sauf exeption comme le gari de Savalou), la rentabilité de l'activité doit être recherchée par une production à plus forte valeur ajoutée (conditionnement en sachet, ajout d'ingrédients pour l'"amélioration" des qualités nutritives et gustatives du gari), permettant de commercialiser ces produits à une clientèle urbaine plus aisée.

Le scénario de développement proposé au § 6.1 ci-après est établi sur de telles hypothèses.

B. Unités semi-industrielles (entreprises intermédiaires)

Seule l'expérience de l'unité de Madame O'Gbonnikan a pu être analysée au cours de la mission au Bénin ; cette expérience, trop courte, est arrêtée aujourd'hui.
On ne peut donc pas en tirer de réelle conclusion.
Par contre, les expériences au Ghana de petites unités semi-industrielles transformatrices de manioc en gari (ESTA QUALITY FOODS Ltd) et en farines (ELSA FOOD) doivent pouvoir être reproduites au Bénin, sous réserve de vérifier les spécificités du marché urbain dans le pays, pour ces produits "haut de gamme".
Le scénario de développement de la filière par des investissements dans des petites unités semi-industrielles est proposé dans ce sens au § 6.2 ci-après.

C. Unités industrielles

Les informations chiffrées recueillies, au cours de la mission, auprès de l'entreprise ADEOSSI ne permettent pas de se prononcer sur la rentabilité de cette unité gari.
Dans le contexte des prix du marché béninois, il est probable que ce type d'unité ne peut pas trouver son seuil de rentabilité en se limitant à la seule production de gari.

3.5.2. Production de cossettes de manioc en tant que PSC

L' étude réalisée pour le compte de la FAO ainsi que les estimations du GERAM (cf annexe 3 page 13) mettent en évidence une marge bénéficiaire pour le producteur.
Le problème majeur pour le développement de ce débouché (PSC) à l'échelle industrielle réside dans la non-organisation de l'ensemble de la filière. L'expérience de la SOBBECA est instructive, à ce sujet : la société a réalisé des pertes financières importantes en 96 et 97, du fait du coût élevé de la mise en place de la logistique nécessaire pour assurer l’approvisionnement en cossettes et de l’absence de subventions pour faire face à cette action de structuration de la filière ; cette situation est à l'origine de la décision d'arrêter les activités fin 97, aux dires du Gérant de la SOBBECA rencontré le 10/12/97 à Cotonou.

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