INTRODUCTION A L'ATELIER SUR LE GRAND CAPUCIN DU MAIS
P. Neuenschwander
Institut International dAgriculture Tropicale (IITA), BéninC'est avec un réel plaisir que je souhaite la bienvenue à tous les délégués et, tout particulièrement, à ceux dont c'est la première visite à l'IITA Bénin. Un atelier comme celui-ci génère des idées nouvelles et offre l'occasion de renforcer davantage les partenariats. Il nous permet de sonder la 'mémoire institutionnelle' afin d'assurer que nos recherches demeurent fidèles aux objectifs et à l'écoute de la demande. A cet effet, nous devons nous poser la question de savoir si nous progressons réellement vers notre but commun - servir les agriculteurs - ou si chaque génération de chercheurs qui passe se contente de réinventer la roue en accumulant des résultats de recherche.
La présente réunion fait le
point de projets ayant des objectifs complémentaires. L'un d'eux est le projet GTZ de
"Lutte intégrée contre le grand capucin du maïs dans les systèmes post-récolte
des petites exploitations" dirigé par Albert Bell. Un autre est le projet IITA de
"Lutte écologique et biologique contre le grand capucin du maïs, Prostephanus
truncatus (Horn) (Coleoptera: Bostrichidae), et les ravageurs associés des greniers
à maïs ruraux" maintenant dirigé par Christian Borgemeister. Dans un troisième
projet, nous nous sommes efforcés de déterminer l'écologie de P. truncatus dans
sa région d'origine en Amérique centrale. Tous ces trois projets ont été financés par
le BMZ de la République d'Allemagne à qui nous aimerions exprimer nos remerciements. Les
activités ont été focalisées sur un ravageur qui avait été accidentellement
introduit en Afrique dans les années 1980.
Ces projets avaient été conçus lors de la première réunion sur la protection
post-récolte, tenue à Cotonou en 1989, alors que l'IITA et la FAO avaient convoqué un
atelier sous la direction de R. Markham pour étudier la possibilité de poursuivre la
lutte biologique classique contre le grand capucin du maïs et formuler des
recommandations sur la manière de procéder.
Déjà en 1991, des collègues de la GTZ et du Service de Protection des Végétaux du
Togo avaient pris les devant en testant et en introduisant le prédateur Teretriosoma
nigrescens Lewis (Coleoptera: Histeridae) au Togo. Depuis la dispersion vers le
Bénin de ce prédateur à partir des premiers sites de lâcher en 1992, l'IITA a eu le
plaisir de travailler avec la GTZ pour documenter sa progression et son impact. Il
convient de rendre un hommage spécial à Christian Borgemeister et Heiner Schneider qui,
avec leurs collègues des programmes nationaux, ont bien documenté ce cas inédit de
lutte biologique classique contre un ravageur des stocks. Aujourd'hui, des lâchers de T. nigrescens
ont été effectués en Guinée Conakry, en Zambie, au Malawi, en Ouganda, en Tanzanie, au
Rwanda et au Burundi, en étroite collaboration avec l'Unité de Test et de Transfert de
Technologies de l'IITA, qui est dirigée par Matthias Zweigert de la GTZ. Ainsi, au terme
de ces projets consacrés au grand capucin du maïs, le problème P. truncatus
trouve dans la lutte biologique classique une solution qui est testée dans quelques
écologies. Même si l'IITA compte maintenir son appui aux lâchers de T. nigrescens
ainsi qu'aux activités de suivi et, en collaboration avec les collègues des
programmes nationaux, poursuivre les études d'impact du prédateur, il nous semble que
nous n'avons plus besoin d'un projet de recherche spécifique sur le grand capucin du
maïs. C'est là un acquis majeur.
Que reste t'il exactement à faire dans la lutte biologique contre le grand capucin du maïs et quel objectif nous fixons-nous désormais? Ce sont là les grandes questions que se pose le présent atelier. La première moitié du temps sera consacrée à la première question concernant précisément le grand capucin du maïs. Pendant la seconde moitié du temps, vous discuterez des systèmes post-récolte sans en oublier les aspects socio-économiques. Vous pourriez ensuite déterminer ce qui a marché dans le passé, ce qui n'a pas marché et quelles sont les nouvelles questions qui nécessitent des réponses. Vous verrez aussi dans quelle mesure les résultats de l'Afrique de l'Ouest peuvent être exploités en Afrique de l'Est et comment les recherches menées en Afrique de l'Est peuvent profiter à l'Afrique de l'Ouest. A cet égard, vous pourriez établir des liens avec les collègues de cette région et avec l'Institut International pour la Lutte Biologique (IIBC).
Afin de nous projeter dans l'avenir, j'aimerais placer les réalisations passées dans un contexte historique fondé sur les partenariats à long terme qui sous-tendent cette réunion, afin de voir dans quelle mesure elles encouragent à maintenir la collaboration. Depuis le milieu des années 1970, l'IITA a travaillé avec la DANIDA et la FAO pour concevoir des structures de stockage capables de protéger le maïs entreposé. Compte tenu des réalités de l'époque, ce projet était focalisé sur une solution technique, en l'occurrence des greniers améliorés. Les projets financés par le BMZ qui arriveront à leur terme à la fin de cette année ont apporté une autre solution technique, notamment la lutte biologique contre P. truncatus. A partir de l'année prochaine, la DANIDA sera de nouveau le principal soutien de l'IITA dans la protection post-récolte des végétaux, et nous comptons ouvrir davantage notre recherche de manière à prendre en compte toutes les composantes du système.
Suite à la restructuration de l'IITA, nous avons concentré tous les travaux de recherche sur la protection intégrée (PI) du maïs dans le cadre d'un seul projet. Outre les ravageurs des cultures au champ et sur la demande de divers programmes nationaux et d'autres organes, cette recherche porte sur tous les insectes nuisibles aux stocks ainsi que sur les agents pathogènes, dont Aspergillus, le champignon qui produit l'aflatoxine. Vu que la plupart des problèmes des stocks trouvent leur origine au champ, une étude plus rigoureuse de l'interface entre le champ et le grenier est nécessaire. A l'heure actuelle, nous nous servons des GIS pour tenter de mettre au point des outils de décision pour la gestion des ravageurs des stocks et de les lier à des paramètres écologiques et économiques, en collaboration avec diverses institutions danoises ainsi que des projets soutenus par la DANIDA et basés au Bénin. Il va sans dire que certains des scientifiques concernés sont dans l'assemblée. Nous comptons établir des liens étroits avec des institutions nationales et mettre au point un produit qui soit utile sur le terrain. Dans les études réalisées au laboratoire et au champ, nous avons poursuivi l'évaluation des caractéristiques variétales du maïs et des entomopathogènes qui pourraient servir d'outils de lutte contre les ravageurs des stocks. Sur tous ces points, nous espérons que les recommandations de l'atelier nous permettrons d'ajuster le tir.
Etant donné que la recherche sur le secteur post-récolte ne traite plus seulement d'espèces individuelles d'insectes et de pathogènes, nous devrons aussi resserrer nos liens avec le projet post-récolte de l'IITA. Ce projet couvre un large éventail d'activités, depuis les machines permettant d'alléger les tâches les plus pénibles jusqu'aux procédés de transformation et de commercialisation conçus pour ajouter de la valeur aux produits. Le projet de PI et le projet post-récolte doivent tous les deux s'assurer, en collaborant l'un avec l'autre et avec les programmes nationaux, de mettre au point et de tester scientifiquement les produits, les résultats et les recommandations qui découlent des pratiques paysannes et qui peuvent à leur tour être adaptés par les paysans et acceptés par les consommateurs.
Pour conclure, j'aimerais simplement vous rappeler les observations d'Ulrich Roettger de la GTZ, à la fin de la réunion du comité de pilotage l'année dernière, à propos des projets associatifs sur le grand capucin du maïs à l'IITA. Il a d'abord avoué le profond scepticisme qui l'animait à son arrivée à la réunion, à propos de l'intérêt de continuer à investir dans ce domaine de recherche. A la fin de la réunion, il a dit qu'il jugeait que le projet sur la protection post-récolte du maïs représentait un exemple de la manière dont le partenariat entre chercheurs, agences de développement et organisations nationales pouvait fonctionner efficacement pour produire un résultat qui puisse réellement profiter à nos groupes cibles, essentiellement les paysans africains. Pris individuellement, les chercheurs peuvent venir et repartir, mais je vous invite tous à utiliser les bons offices de l'IITA. Après tout, c'est vous qui bénéficiez directement de nos efforts de formation, des liens institutionnalisés avec les programmes nationaux, les ONG, les bailleurs de fonds et, par-dessus tout, de nos recherches en cours. Je suis persuadé qu'en collaborant, nous pouvons résoudre certains des gros problèmes qui persistent encore dans ce domaine vital qu'est le secteur post-récolte.