LE DEVELOPPEMENT DES TRANSFORMATIONS POST-RECOLTE POUR L'APPROVISIONNEMENT DES MARCHES
URBAINS:
L'EXEMPLE DE LA FILIERE COSSETTE D'IGNAME EN AFRIQUE DE L'OUEST
P. VERNIER1, N. BRICAS2, E. ATEGBO3, J. HOUNHOUIGAN3,
K.E. NKPENU4 & G. ORKWOR5
1 | Unité CIRAD-IITA de Coordination de la Recherche sur lIgname |
2 | CIRAD-SAR, Montpellier, France |
3 | Université Nationale du Bénin, Faculté des Sciences Agronomiques |
4 | Institut National des Cultures Vivrières (INCV), Lomé, Togo |
5 | Institut de Recherche sur les Plantes à Racines et Tubercules (NRCRI), Umuahia, Nigeria |
Introduction
Ligname est un aliment très apprécié en Afrique de lOuest mais sa consommation sous forme de tubercules frais présente, pour les consommateurs urbains, de fortes contraintes. Celles-ci sont liées aux caractères saisonnier et périssable du produit qui rendent irrégulière sa disponibilité sur les marchés urbains et qui en font un aliment souvent beaucoup plus cher que les autres produits amylacés. Avec lurbanisation, on observe dans certains pays, le développement d'une filière originale de cossettes digname. Il s'agit d'un produit stabilisé obtenu à partir de petits tubercules précuits et séchés au soleil. Les cossettes se consomment principalement sous forme de pâte ("lamala" ou le "télibo") préparée à partir de la farine que lon en obtient. Pour mieux estimer l'importance et comprendre le fonctionnement de cette filière encore mal connue, une enquête de consommation sur les produits à base digname a été menée en milieu urbain dans trois pays (Bénin, sud-ouest Nigeria, Togo). La situation est contrastée selon les pays. Si, au Togo et au Bénin, la base alimentaire reste le maïs, au Bénin, lamala semble avoir pénétré les habitudes alimentaires comme produit de diversification plus consommé que ligname fraîche. Dans la partie du Nigeria soumise à l'enquête, la consommation damala est dominante. Les consommateurs expliquent leur consommation de produits dérivés des cossettes par leur qualité gustative, leur constante disponibilité et leur facilité de préparation. Le développement de cette filière dans dautres pays producteurs digname, moyennant les transferts de technologie appropriés, permettrait de réduire les contraintes liées à une commercialisation uniquement basée sur les tubercules frais.
L'igname en Afrique de l'Ouest
L'urbanisation rapide de l'Afrique (près de 7 % par an) peut
produire un effet d'entraînement sur la production vivrière des pays de ce continent à
une condition essentielle: celle d'un développement de systèmes d'intermédiation
durables (commercialisation, transport, transformation) entre villes et campagnes. Ces
systèmes doivent pouvoir à la fois fournir une garantie de débouchés pour les
agriculteurs les incitant à accroître leur production, et également mettre à la
disposition permanente des consommateurs urbains des produits adaptés à leurs styles
alimentaires et à leur budget.
En zone de savane soudanienne ainsi quen zone tropicale humide, l'igname en tant que
plante et produit alimentaire dispose d'un important potentiel pour relever ce défi. Il a
été démontré que cest une des cultures tropicales les plus efficaces tant en
termes calorique (de Vries et al, 1967) que protéique (Idusogie, 1971).
Pour lannée 1995, la production africaine d'igname est estimée à près de
33 millions de tonnes par an, dont plus de 31 pour la seule Afrique de lOuest,
la majeure partie étant fournie par le Nigeria (23 MT). La Côte d'Ivoire
(2,8 MT), le Ghana (2,2 MT), le Bénin (1,3 MT) et le Togo (375 000 T) sont également des
producteurs importants (FAO, 1996). Entre 1989-91 et 1995, la production du continent
aurait augmenté de près de 50%, toujours selon les statistiques de la FAO, ce qui
infirme limage que Coursey combattait déjà (Coursey, 1981) dune production
à lavenir incertain, au mieux folklorique, handicapée par ses coûts de production
élevés et sa conservation difficile.
Dans cette région, l'igname est une culture ancestrale à laquelle les paysans portent un
attachement particulier. Cette plante et ce produit ont en effet un rôle social et
culturel important qui a fait qualifier cette région de civilisation africaine de
ligname (Miège, 1957). L'igname joue également un rôle de sécurité alimentaire
car cest une plante moins sensible aux aléas climatiques que les céréales
cultivables dans les mêmes zones. Bien quoriginaire, pour Dioscorea
cayenensis-rotundata, du Golfe de Guinée (Nigeria, Bénin) (Coursey, 1976), la
culture de ligname se développe aussi vers les zones tropicales humides de
lAfrique centrale. En Centrafrique (250 000 t), au Tchad (240 000 t), au Gabon (120
000 t) et au Zaïre (315 000 t) (données 1995), ligname est désormais présente au
sein des systèmes agricoles, soit en tant que spéculation majeure, soit comme culture de
diversification.
La consommation d'igname est importante dans les zones de production où elle peut fournir
une part importante des apports caloriques. Elle est également significative en milieu
urbain, malgré la concurrence d'autres produits (manioc, maïs, sorgho, riz, blé). En
Afrique, l'igname continue en effet d'être particulièrement appréciée par les citadins
et conserve un prestige certain. Elle participe à la diversification de l'alimentation,
tendance lourde de l'évolution des styles de consommation urbains (Bricas, 1993),
notamment pour les populations non originaires des zones traditionnelles de production. En
Afrique de lOuest, sa commercialisation se développe hors des pays de production
vers les villes du Sahel (Bamako, Ouagadougou, Niamey) où l'on observe des arrivages en
provenance des pays côtiers et où la consommation s'introduit par le biais de la petite
restauration populaire.
Les cossettes digname
Bien que ligname soit en majeure partie consommée sous forme de
tubercules frais, il existait depuis longtemps, dans toute la zone de production d'igname,
une pratique de transformation des tubercules en cossettes à usage domestique. Les
paysans stabilisaient une partie de leur production, notamment les écarts de cuisine,
afin de constituer des stocks pour les périodes de soudure. Cette technique consiste à
éplucher les tubercules, les précuire à l'eau contenant des substances naturelles qui
jouent par la suite le rôle d'antifongiques et d'insectifuges, puis les sécher au
soleil, de préférence en période dharmattan. La précuisson nest pas
systématique, en particulier au Nigeria (Ezeh, 1992). Dans ce cas, la possibilité de
conservation est limitée à quelques semaines alors qu'elle peut s'étendre à plus d'un
an lorsque les tubercules ont été précuits avant séchage. C'est essentiellement sous
cette forme de tubercules séchés, entiers mais de petite taille ou en morceaux, que
s'effectue la commercialisation vers les marchés urbains. Pour leur utilisation
culinaire, les cossettes sont réduites en farine après concassage. La farine sert à
fabriquer une pâte colorée à consistance élastique, "l'amala" ou le
"télibo", que les consommateurs distinguent du "foutou ou foufou",
l'igname pilée préparée à partir de tubercules frais. Des plats plus
élaborés existent aussi comme le "wassa-wassa" connu dans toute la
sous-région (granules de farine) ou le "tubaani" du Ghana en mélange avec la
farine de haricot.
Le processus de préparation de lamala est détaillé dans la figure 1.
Fig. 1 | Procédé de transformation de l'igname en cossettes, farine et "amala" (daprès Département Nutrition et Sciences Agro-alimentaires - FSA-UNB). |
La transformation des ignames en cossettes est traditionnellement très importante dans les régions de Ife, Ilesha et Ede à louest du Nigeria (Adisa, 1985; Igé, 1981). Cependant il y a encore une vingtaine dannées au Nigeria et au Bénin, les filières d'approvisionnement urbain en igname étaient largement dominées par les flux de tubercules frais. Au Nigeria, les produits transformés à base digname nétaient, il y a encore quelques années, considérés que comme des produits domestiques (Coursey, 1979). Au Bénin, il a fallu attendre la fin des années 70 pour voir apparaître les cossettes dans les statistiques agricoles (Dumont et Vernier, 1997).
Les handicaps de la filière igname fraîche
La commercialisation quasi exclusive sous forme de tubercules frais prévaut toujours dans les autres pays. Cette situation induit un certain nombre de facteurs défavorables:
* |
Du fait des critères de qualité des consommateurs pour les tubercules frais, les paysans privilégient pour cette production, des variétés à gros tubercules qui donnent la meilleure qualité digname pilée. La culture de ces variétés, exigeantes en fertilité, est inféodée à la pratique de défriche-brûlis. Elle exige un important travail, notamment pour le buttage des plants qui doit permettre un bon grossissement du tubercule dans une terre meuble. Or, avec la pression foncière, les surfaces de forêts tendent à se réduire et les rotations culturales s'accélèrent. Dans ce contexte, l'accroissement de la production de ce type digname pour suivre la demande apparaît difficile à long terme. |
* | A linverse du manioc, dont la récolte est possible tout au long de lannée, l'igname est une production saisonnière qui se conserve difficilement au-delà de quelques semaines après la récolte. En l'absence de techniques de stabilisation, les pertes après récolte peuvent être importantes, notamment avec les variétés les plus appréciées (pourriture, germination). Ces pertes peuvent atteindre près de 50% de la production en six mois (Coursey, 1967). |
Fig. 2 | Evolution des prix de ligname selon le produit considéré sur le marché de Parakou (Bénin) (sources des données ONASA). |
* |
Pour ces raisons, la disponibilité de l'igname fraîche sur les marchés est saisonnière et les prix au consommateur varient fortement durant lannée. D'après les données de l'ONASA (Organisation Nationale pour la Sécurité Alimentaire) au Bénin (figure 2), on constate que les prix peuvent varier d'un facteur de 1 à 6 en cours d'année. |
* | Compte tenu de la forte teneur en eau des tubercules frais (60 à 75%), la commercialisation est handicapée par un coût de transport élevé. |
* | De l'ensemble de ces contraintes, il résulte pour le consommateur urbain un coût moyen de l'igname fraîche relativement élevé par rapport aux autres amylacés. Les prix moyens annuels des produits amylacés sur le principal marché de Cotonou (Dantokpa) et sur le marché de Parakou, en pleine zone de production d'igname, sont indiqués dans le Tableau 1. |
Tab. 1 |
Moyennes annuelles des prix au consommateur des principaux produits amylacés (en FCFA/kg; Source: Nos calculs d'après les données mensuelles de l'ONASA). |
Cotonou Dantokpa |
Parakou |
||||||
1994 |
1995 |
1996 |
1994 |
1995 |
1996 |
Maïs Riz local Riz importé Farine de blé Igname fraîche Igname équiv. sec* Cossette igname Gari ordinaire Gari fin Cossette manioc |
86 196 243 212 87 220 92 121 |
106 236 277 252 86 219 120 154 |
141 325 316 330 101 256 158 199 |
67 213 226 218 58 148 112 122 155 60 |
87 248 279 262 65 166 116 135 173 64 |
139 288 334 340 84 212 140 173 215 95 |
* |
Le prix de l'igname équivalent sec est calculé pour un taux d'humidité équivalent à celui des cossettes d'igname (13 %) et compte tenu des pertes dues à lépluchage (25%). |
Les avantages de la filière cossette
En comparaison avec la filière igname fraîche, la filière cossettes présente a priori un certain nombre d'avantages:
* |
Les critères de qualité des consommateurs pour les cossettes sont différents de ceux pour les tubercules frais à piler. Ce sont les petits tubercules (300 à 400 g) qui sont recherchés car plus faciles à sécher et, par conséquent, associés par le consommateur à une image de qualité. De ce fait, les producteurs privilégient pour la fabrication des cossettes les variétés D. cayenensis rotundata à multiples petits tubercules, connues dans les trois pays sous le nom générique de "kokoro" (plus connues sous le nom dAlassora au Togo). Celles-ci apparaissent également moins exigeantes quant à la fertilité du sol que les " variétés à piler ", généralement précoces, et s'insèrent plus facilement dans des systèmes de culture stabilisés. Les buttes nécessaires à ces variétés sont moins importantes, ce qui réduit le travail agricole. De ce fait les variétés "kokoro" apparaissent plus adaptées que les variétés classiques à l'évolution tendancielle, liée à laugmentation démographique, des systèmes de culture vers la sédentarisation sous leffet de la croissance démographique. |
* | La transformation en
cossettes permettant de stabiliser le produit, les pertes après récolte sont très
largement réduites. Les cossettes se conservent plus dun an et sont donc
disponibles sur les marchés urbains de façon régulière. D'après les données de
l'ONASA, au Bénin, on constate que les prix ne varient que d'un facteur de 1 à 2 au
cours de l'année (cf. Figure 2). Il subsiste cependant des difficultés pour sécher au soleil d'importantes quantités de tubercules, le séchage ne seffectuant correctement que pendant les périodes dharmattan (faible humidité relative de lair). |
* | Ces difficultés se traduisent par la production et la mise sur le marché de lots de tubercules parfois mal séchés et noircis par les moisissures. Pendant le stockage les cossettes sont souvent attaquées par les insectes foreurs (Adisa, 1985) dont les dégâts deviennent importants après quelques mois. Parmi les plus fréquents on peut citer Sitophilus zeamais Motschulsky (Col: Curculionidae), Dinoderus ?oblongopunctatus Lesne et D. minutus Fabricius (Col: Bostrichidae), Palorus subdepressus Wollaston (Col: Bostrichidae) (G. Goergen cité par Dumont, Vernier, 1997). |
* | Les cossettes ont une teneur en eau denviron 10 à 13 % (contre 60 à 75 % pour les tubercules frais). Les coûts de transport ramenés à lunité de matière sèche sont par conséquent réduits. |
* | L'ensemble de ces caractéristiques permet d'aboutir à un prix des cossettes au consommateur nettement inférieur à celui de l'igname fraîche à un même niveau de comparaison. Au Bénin, depuis la dévaluation du FCFA, les cossettes d'igname se situent ainsi à un prix intermédiaire entre celui du manioc ou du maïs et celui du riz, du blé ou des tubercules frais (cf. Tableau 1 et Tableau 2). |
Tab. 2 |
Prix comparatifs des principaux aliments disponibles sur le marché de Cotonou (décembre 1994; source: Dumont & Vernier, 1997). |
Nature du produit |
Unité de mesure |
Valeur produit |
Valeur aliment préparé (FCFA/kg) |
Cossettes d'ignames
"Kokoro" Cossettes d'ignames "Kokoro" Farine d'igname Tubercules frais d'igname Cossettes de manioc Cossettes de manioc Farine de manioc Gari Riz importé Riz importé Riz local |
sac
(± 108 kg) |
126 |
33 |
* | Enfin, l'intérêt des cossettes réside dans le fait qu'elles offrent des opportunités de nouvelles utilisations culinaires, par exemple par les possibilités de transformer la farine en granules ou de l'incorporer dans des produits amylacés de type biscuit, farine infantile, boissons végétales, etc. Certaines de ces transformations sont déjà explorées par de petites entreprises, notamment au Bénin (production de farine de cossettes tamisée) et au Burkina (production de "couscous" d'igname). |
Méthodologie de l'étude de
la filière cossettes
Une étude de la filière cossettes a été initiée en 1996 dans trois pays du Golfe
de Guinée (Bénin, Nigeria et Togo) dans le cadre du projet de "Valorisation de
ligname pour les marchés urbains" financé par le Ministère français de la
Coopération. Ces pays ont été choisis car la production et le commerce des cossettes
digname semblaient a priori y revêtir une certaine ampleur.
Les résultats présentés dans le cadre de cet article concernent une enquête de
consommation alimentaire réalisée dans les trois pays auprès des ménagères urbaines.
Dans chaque pays, environ 200 personnes ont été interrogées dans les grands centres
urbains: Lomé au Togo, Cotonou au Bénin et cinq grandes villes du sud-ouest Nigeria
(Lagos, Ibadan, Ife, Abeokuta et Ilorin). Lenquête a été réalisée en trois
passages, mais le présent article ne concerne que les données encore partielles obtenues
après les deux premiers passages en avril-mai puis en septembre. Le dernier passage a
été réalisé en janvier 1997. La première période correspond à la fin de la forte
disponibilité de tubercules frais. La seconde, au contraire, se situe au moment de
larrivée des ignames nouvelles, et la troisième correspond à la mise sur le
marché des ignames tardives ainsi quau début de la saison des cossettes nouvelles.
Principaux résultats
Lenquête sest d'abord attachée à comparer l'importance de la
consommation damala avec celle des autres préparations à base digname
(pilée essentiellement) et des autres produits amylacés. On rappellera que lamala
est, de loin, le principal aliment préparé avec la farine de cossettes.
L'importance relative de la consommation d'igname
par rapport aux autres produits amylacés
Le Tableau 3 indique l'importance relative de la fréquence de consommation des
principaux produits amylacés. L'indice présenté est calculé par pondération des
pourcentages de réponse à la question: "Parmi les aliments suivants, quels sont,
par ordre d'importance décroissante, les trois que vous avez consommés le plus la
semaine passée?". Cet indice n'indique en rien les quantités consommées, mais
permet seulement d'établir une hiérarchie des aliments tenant compte de leur ordre de
citation.
Tab. 3 |
Indices* de l'importance relative de la consommation des principaux produits amylacés. |
Togo |
Bénin |
Nigeria |
||||
date de lenquête |
05/96 |
10/96 |
05/96 |
10/96 |
05/96 |
10/96 |
Maïs Riz Igname pilée Amala Gari Haricot Pain |
42 25 16 4 6 12 |
42 26 20 2 3 2 |
44 24 3 6 13 6 1 |
47 21 3 5 12 7 0 |
9 23 5 29 14 11 5 |
6 22 11 26 15 8 4 |
* |
Les
indices pondérés sont calculés au moyen de la formule: |
A Cotonou et à Lomé, le maïs
est, de loin, lamylacé le plus consommé. Au cours de la semaine, les consommateurs
alternent cependant cette base avec dautres aliments: le riz et ligname pilée
au Togo; le riz et le gari de manioc au Bénin. Dans ces deux pays, lamala joue
également un rôle de produit de diversification du régime amylacé, au même titre que
le gari à Lomé et que le haricot à Cotonou.
Dans les villes du sud-ouest du Nigeria, la situation est différente. Quatre aliments de
base sont largement utilisés au cours de la semaine: lamala, qui représente celui
le plus fréquemment consommé (près de 40% des consommateurs lutilisent le plus
fréquemment), le riz, le gari et le haricot. Ligname pilée ou bouillie, préparée
à partir de tubercules frais, napparaît quau moment des récoltes
digname, lorsque le produit est abondant et les prix bas.
Limportance relative de la consommation
d'amala par rapport à celle digname pilée
Le Tableau 4 indique les réponses à la question: "Durant les 15 derniers jours,
entre l'igname pilée et l'amala, quel est le produit que vous avez le plus fréquemment
consommé?".
Tab. 4 |
La
préparation à base d'igname la plus fréquemment consommée |
Lomé |
Cotonou |
Villes du s-o Nigeria |
||||
Passage |
05/96 |
10/96 |
05/96 |
10/96 |
05/96 |
10/96 |
Amala Igname pilée Les deux aussi souvent Total Effectif des répondants |
9 |
6 |
87 |
65 |
88 |
72 |
Le Tableau 5 indique la fréquence de consommation de lamala enregistrée pendant lenquête.
Tab. 5 |
La fréquence de consommation de l'amala (en % des réponses). |
Lomé |
Cotonou |
Villes du s-o Nigeria |
|||||
Passage |
05/96 |
10/96 |
05/96 |
10/96 |
05/96 |
10/96 |
Quotidienne
ou presque Plusieurs fois/semaine Occasionnellement Jamais TOTAL Effectif des répondants |
1,0 |
0,5 |
1,4 |
1,0 |
40,9 |
32,7 |
Tab. 6 |
Fréquence de consommation damala en fonction du groupe ethnique au Bénin (pour les deux passages de l'enquête en % des réponses). |
Ethnie |
Igname pilée |
Amala |
|||||
(Effectif) |
Régulier |
Occasion.
|
Total |
Régulier |
Occasion. |
Total |
Fon (285) |
7 |
93 |
100 |
16 |
84 |
100 |
Adja (75) |
1 |
99 |
100 |
8 |
92 |
100 |
Yoruba (48) |
27 |
73 |
100 |
38 |
62 |
100 |
Autres (10) |
10 |
90 |
100 |
40 |
60 |
100 |
Lamala, un produit apprécié pour ses propres qualités
Les raisons évoquées pour expliquer la consommation damala sont indiquées dans le Tableau 7.
Tab. 7: |
Raisons invoquées pour expliquer la consommation d'amala (pour les deux passages de l'enquête en % des réponses). |
Raison évoquée |
Lomé |
Cotonou |
Villes du s-o Nigeria |
Me plaît, a bon goût |
92 |
74 |
37 |
Bon pour la santé |
19 |
13 |
31 |
Facile à préparer |
2 |
9 |
41 |
Se trouve facilement |
1 |
1 | 34 |
Pas cher |
1 |
2 |
23 |
Par habitude ou tradition |
7 |
4 |
6 |
Autres |
1 |
18* |
4 |
Effectif des répondants |
168 |
360 |
392 |
La somme des réponses est
supérieure à 100 car plusieurs réponses étaient possibles;
* "autres" correspond ici à la réponse "pour varier par rapport à
l'igname pilée".
A Lomé où la consommation
damala reste secondaire loin derrière ligname pilée, les premières raisons
invoquées pour sa consommation sont ses qualités organoleptiques et, en particulier son
goût et ses vertus diététiques. Cette appréciation se retrouve au Bénin, mais
18 % des consommateurs mettent en avant leur envie de diversité par rapport à
ligname pilée. Au Nigeria, les motivations sont plus variées. La facilité de
préparation, les qualités organoleptiques et diététiques et la facilité
dapprovisionnement viennent en tête. Le prix attractif est cité par 23 % des
personnes interrogées. A noter que cette caractéristique n'est que très peu mentionnée
spontanément à Lomé et Cotonou.
Loin dêtre un aliment de second choix sur lequel on se rabattrait faute de mieux,
l'amala apparaît ainsi apprécié pour ses propres qualités. Ces données sont
confirmées par l'analyse des réponses à la question: "Entre l'amala et l'igname
pilée, que préférez-vous?" En moyenne des deux passages de l'enquête, on constate
que l'amala est préféré par 13 % des consommateurs à Lomé, 52 % à Cotonou
et 48 % dans les villes du sud-ouest du Nigeria.
Globalement, ces résultats permettent davancer une interprétation sur le rôle de
lamala. Celui-ci apparaît différent selon les pays.
A Lomé, lamala reste encore relativement peu consommé du fait dun fort
attachement des consommateurs à ligname pilée. Lorsque les tubercules frais sont
moins disponibles et trop chers, les consommateurs se rabattent sur dautres
amylacés.
A Cotonou, lamala a réellement pénétré les habitudes alimentaires citadines. Il
permet, pour les amateurs digname, den consommer toute lannée. Il
devient, pour ceux qui consomment traditionnellement peu digname, un produit
accessible de diversification.
Dans les villes du sud-ouest du Nigeria, lamala est dominant, bénéficie d'une
bonne image, mais apparaît plus fréquemment utilisé que les préférences des
consommateurs ne le laisseraient penser. Ligname pilée est sans doute devenue
difficilement accessible à une population urbaine fortement touchée par la crise.
Culturellement très attachés à ligname, les Nigérians utilisent les cossettes
comme moyen de continuer à en consommer à défaut de pouvoir préparer des tubercules
frais devenus trop chers pour leur pouvoir dachat.
Conclusion: des perspectives
de développement
La filière cossette digname apparaît, de plusieurs points de vue, très
intéressante pour contribuer à la diversification de l'alimentation urbaine en
valorisant une production locale et pour adapter la culture de ligname à
l'évolution des systèmes de culture vers la sédentarisation. Les techniques de
transformation actuelles sont maîtrisables par les petits agriculteurs et ne nécessitent
pas dinvestissements importants.
Il reste que la performance de ce système technique est encore limitée par le travail
dépluchage et les difficultés de séchage et de conservation des stocks. Des
améliorations simples issues d'expériences d'autres pays sur des produits différents
paraissent cependant possibles à mettre en uvre et ce, malgré le faible pouvoir
d'investissement des producteurs ruraux. La mécanisation de la découpe des tubercules à
laide déminceuses utilisées pour le manioc (Jeon et Halos, 1994) semble une
voie prometteuse. En produisant des bâtonnets de moins d'un centimètre de section, cet
équipement permettrait d'accélérer le travail et permettrait de réduire le temps de
séchage. De même l'optimisation du procédé combiné de pré-cuisson en présence
d'antifongiques et d'insectifuges naturels et de séchage solaire permettrait d'améliorer
la qualité des produits. Les conséquences de ces modifications technologiques sur la
conservation et la qualité finale de la farine sont en cours dévaluation.
La diffusion de ce système technique de transformation vers d'autres pays producteurs
dignames qui ne le pratiquent pas permettrait de diminuer les contraintes dune
filière uniquement basée sur les tubercules frais. Pour réussir, ce transfert de
technologie suppose cependant:
* | L'adaptation du produit au goût des consommateurs locaux. |
* | La vérification de la compétitivité du produit par rapport aux autres amylacés. |
* | L'introduction, là où il manque, d'un nouveau matériel végétal dans les systèmes de culture. |
Ces recherches-actions méritent d'être étudiées car elles sinscrivent dans lévolution tendancielle des filières d'approvisionnement vivrier des villes en Afrique.
Références
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