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L'amidon est la principale forme de stockage des hydrates de carbone dans le sorgho et les mils. Il est constitué d'amylopectine, polymère à chaînes ramifiées du glucose, et d'amylose, polymère à chaîne droite.
La digestibilité de l'amidon, qui dépend de l'hydrolyse par les enzymes pancréatiques, détermine la teneur en énergie métabolisable des grains de céréales. Lorsqu'on traite les grains par des méthodes telles que la cuisson à la vapeur, la cuisson sous pression, le floconnage, le gonflage ou le micronisage de l'amidon, on en accroît la digestibilité. Ce phénomène a été attribué au fait que les granules d'amidon étaient libérés de la matrice protéique, ce qui les rendait plus faciles à digérer par les enzymes (McNeill et al., 1975; Harbers, 1 975).
Les propriétés physico-chimiques de l'amidon influent sur la texture des préparations alimentaires à base de grain de mil. Le comportement de l'amidon dans l'eau dépend de la température et de la concentration (Whistler et Paschall, 1967). D'une façon générale, il absorbe très peu d'eau à la température ambiante, et son pouvoir gonflant est également faible. L'absorption d'eau croît avec la température et les granules d'amidon s'effondrent, ce qui permet la solubilisation de l'amylose et de l'amylopectine pour former une solution colloïdale. C'est le stade de la gélatinisation. La température de gélatinisation de l'amidon du grain est influencée par des facteurs génétiques et environnementaux (Freeman, Kramer et Watson, 1968). Le traitement thermique de l'amidon dans une quantité limitée d'eau fait gonfler les granules avec très peu de perte de matière soluble, et il se produit une dégélatinisation partielle de l'amidon. A la cuisson, l'amidon gélatinisé tend à revenir d'un état soluble, dispersé et amorphe à un état cristallin insoluble. Ce phénomène est connu sous le nom de rétrogradation ou reprise; il est d'autant plus marqué que la température est basse et que la concentration d'amidon est élevée. L'amylose, composant linéaire de I'amidon, a une plus grande tendance à la rétrogradation. Certaines caractéristiques des amidons du sorgho et du mil sont présentées au tableau 19. La teneur en sucres solubles et la teneur totale en sucres sont indiquées au tableau 20.
Sorgho
La teneur en amidon du sorgho s'échelonne entre 56 et 73 pour cent, avec une valeur moyenne de 69,5 pour cent (Jambunathan et Subramanian, 1988). L'amidon du sorgho est constitué pour 70 à 80 pour cent environ d'amylopectine; les 20 à 30 pour cent restants sont de l'amylose (Dentherage, McMasters et Rist, 1955). La teneur en amylose du sorgho est influencée à la fois par des facteurs génétiques et environnementaux (Ring, Akingbala et Rooney, 1982). Le sorgho cireux et le sorgho glutineux sont très pauvres en amylose, et leur amidon est pratiquement constitué à 100 pour cent d'amylopectine (Ring, Akingbala et Rooney, 1982; Deatherage, McMasters et Rist, 1955). Dans le sorgho sacchareux, la teneur en amylose de l'amidon est supérieure d'environ 5 à 15 pour cent à celle du sorgho normal (Singh et Axtell, 1973b). La teneur totale en hydrates de carbone du sorgho sacchareux était cependant normale puisqu'il contenait des niveaux particulièrement élevés de polysaccharides solubles dans l'eau (29,1 pour cent).
La digestibilité de l'amidon isolé de cultivars de sorgho allait de 33 à 48 pour cent, contre 53 à 58 pour cent pour ceux du maïs (Sikabbubba, 1989). On a constaté une forte corrélation entre la texture de l'endosperrne du grain, la taille des particules de la farine et la digestibilité de l'amidon. On a trouvé que l'amidon du sorgho farineux était plus digestible que celui du sorgho corné. Quand le sorgho farineux était moulu, les particules étaient plus petites que celles du sorgho corné moulu de la même façon. La plus petite dimension des particules et donc la plus grande surface facilitent l'action des enzymes et améliorent ainsi la digestibilité de l'amidon.
TABLEAU 19 - Caractéristiques des amidons isolés du sorgho et des mils
Graine | Amylose (%) | Température de gélatinisation (ºC) | Capacité de liaison dans l'eau (%) | Gonflage à 90 °C (%) | Solubilité à 90 ºC (%) | Viscosité (unités amylographiques Brabendur) |
||||
initiale | finale | à 93º-95ºC | après maintien à 95°C | refroidi à 35º ou 50°C | après maintien à 35° ou 50°C | |||||
Sorgho | 24,0 | 68,5 | 75,0 | 105 | 22 | 22 | 600 | 400 | 580 | 520 |
Sorgho (cireux) | 1,0 | 67,5 | 74,0 | - | 49 | 19 | 380 | 290 | 390 | 350 |
Mil chandelle | 21,1 | 61,1 | 68,7 | 87,5 | 13,1 | 9,16 | 460 | 396 | 568 | 536 |
Millet commun | 28,2 | 56,1 | 61,2 | 108,0 | 12,0 | 6,89 | 688 | 520 | 826 | 1 203 |
Millet des oiseaux (a) | - | 53.5 | 59.5 | 128,5 | 11,2 | 4,65 | 840 | 620 | 1 100 | 1 220 |
Millet des oiseaux (b) | 17,5 | 55,0 | 62,0 | - | 9,8 | 4,80 | 1 780 | 1 540 | 2000 | - |
Millet indigène | 24,0 | 57,0 | 68,0 | - | 12,0 | 5,50 | 300 a | 270 | 390 | - |
Eleusine | 16,0 | 64,3 | 68,3 | - | 11,4 | 6,50 | 1 633 | 1 286 | 1 796 | - |
a La viscosité maximale a été obtenue à 83.5
ºC.
Sources: Rooney et Serna-Saldivar. 1991: Leach. 1965: Horan et
Heider, 1946 Subramaniam et al., 1982; Beleia. Varriano et
Hoseney, 1980: Yabez et Walker.1986; Lorenz et Hinze, 1976:
Wankhede, Shehnaj et Raghavendra Rao, 1979b; Paramahans et
l'aranalhan.1980.
TABLEAU 20 - Composition en sucres solubles du sorgho et des mils (en grammes pour 100 9 de matière sèche)
Graine | Nombre de cultivars | Sucre total | Sucrose | Glucose + fructose | Raffinose | Stachyose |
Sorgho normal (a) | 10 | 2,25 (1,3-5,2) | 1,68 (0,9-3,9) | 0,25 (0,06-0,74) | 0,23 (0,10- 0,39) | 0,10 (0,04-0,21) |
Sorgho normal (b) | - | 1,34 | 0,61 | 0,52 | 0,15 | 0,06 |
Sorgho sacchareux | - | 2,21 | 0,81 | 0,95 | 0,39 | 0,06 |
Sorgho à haute teneur en lysine | - | 2,57 | 0,94 | 1,13 | 0,39 | 0,11 |
Mil chandelle | 9 | 2,56 (2,16-2,78) | 1,64 (1,32-1,82) | 0,11 (0,08-0,16) | 0,71 (0,65- 0,84) | 0,09 (0,06-0,13) |
Eleusine | 3 | 0,65 (0,59-0,69) | 0,22 (0,20-0,24) | 0,16 (0,14-0,19) | 0.07 (0,06- 0,08) | - |
Millet des oiseaux | 1 | 0,46 | 0,15 | 0,10 | 0,04 | - |
Millet commun | 6 | - | 0,66 | - | 0,08 | - |
Sources: Subramanian, Jambunathan et Suryaprakash. 1980: Murty et al., 1985: Subramanian. Jambunathan et Suryaprakash. 1981: Wankhede, Shehnaj et Raghavendra Rao, 1979: Becker et Lorenz, 1978.
La nature chimique de l'amidon, en particulier la teneur en amylose et en amylopectine, est un autre facteur qui influe sur sa digestibilité. On a signalé que celle-ci était plus grande dans le sorgho à faible teneur en amylose, c'est-à-dire le sorgho cireux, que dans le sorgho normal, le maïs. et le mil chandelle (Hibberd et al., 1982). Des expérimentations sur des rats (Elmalik et al., 1986) et d'autres espèces animales (Sherrod, Albin et Furr, 1969; Nishimuta, Sherrod et Furr, 1969) ont confirmé la supériorité du sorgho cireux sur les grains de types normaux en ce qui concerne la matière sèche et la valeur énergétique brute assimilable.
La présence de tanin dans le grain contribue à la mauvaise digestibilité de l'amidon dans certaines variétés de sorgho (Dreher, Dreher et Berry, 1984). On a montré que les tanins isolés du grain de sorgho inhibaient une enzyme X-amylase et qu'en outre ils se liaient aux amidons du grain plus ou moins fortement (Davis et Hoseney, 1979).
La température de gélatinisation de l'amidon isolé de sorgho et celle de la farine finement moulue de l'endosperme correspondant sont les mêmes. En revanche, la température de collage de la farine de sorgho, c'est-à-dire la température à laquelle la viscosité de l'amidon est maximale, s'est révélée supérieure d'environ 10 °C à celle de l'amidon isolé.
La qualité du sorgho cuit a été étroitement associée à la teneur totale et à la teneur soluble en amylose du grain ainsi qu'à la teneur en protéines solubles (Cagampang et Kirleis, 1984). Subramanian et al. (1982) ont observé que le pouvoir gonflant de l'amidon et sa solubilité influençaient de façon notable la qualité de cuisson du sorgho bouilli. Le pourcentage d'augmentation de poids du grain cuit présentait une corrélation négative avec la solubilité de l'amidon à 60 °C, température à laquelle la plupart des granules d'amidon ont atteint le stade de la gélatinisation. Le pouvoir gonflant de l'amidon à 60 et 90 °C et sa solubilité à 25 et 50 °C étaient en corrélation inverse avec la teneur en gruau solide, qui dépendait directement de la teneur en amidon du grain. La température de gélatinisation de l'amidon n'a pas paru avoir d'effet significatif sur la qualité de cuisson du sorgho.
La plasticité de la pâte de farine de sorgho tient essentiellement à la gélatinisation de l'amidon lorsque la pâte est préparée dans une eau chaude ou bouillante. Le caractère collant de la farine cuite est fonction de la gélatinisation de l'amidon. Le porridge préparé à partir de l'endosperme dur du sorgho est moins collant que celui qui est préparé à partir de grains comportant une plus forte proportion d'endosperme farineux (Cagampang, Griffith et Kirleis, 1982).
La pâte préparée dans l'eau froide présente peu d'adhésivité et il est difficile de bien l'aplatir au rouleau. Autrement dit, la modification de l'amidon lorsque la pâte est préparée dans l'eau chaude détermine ses propriétés d'aplatissement au rouleau (Desikachar et Chandrashekar, 1982). Une forte absorption d'eau, une faible température de gélatinisation, une forte viscosité maximale de la pâte et une importante rétrogradation sont les propriétés de l'amidon qui permettent une bonne qualité de roti, qui est un pain sans levain, forme la plus courante sous laquelle on consomme le sorgho et le mil chandelle dans le sous-continent indien. En revanche, pour un porridge épais tel que le mudde ou sankhati indien et le tô africain, les caractéristiques souhaitables de l'amidon du grain sont une forte température de gélatinisation, une faible viscosité maximale de la pâte et une faible tendance à la rétrogradation. En d'autres termes, les caractéristiques de l'amidon pour un roti de bonne qualité sont exactement le contraire de celles qui sont souhaitables pour un porridge de bonne qualité. Ainsi, les variétés de sorgho qui ne conviennent pas à des roti peuvent convenir à du porridge. AlmeidaDominguez, Serna-saldivar et Rooney ( 1991 ) ont constaté qu'un sorgho à faible teneur en amylose ou cireux produisait une pâte collante (masa) et ne convenait pas à la préparation de tortillas.
Mil chandelle
Dans les différents génotypes de mil chandelle, la teneur en amidon du grain variait de 62,8 à 70,5 pour cent, celle de sucres solubles de 1,2 à 2,6 pour cent et celle d'amylose de 21,9 à 28,8 pour cent (Jambunathan et Subramanian, 1988). On a trouvé des valeurs plus faibles d'amidon (56,3 à 63,7 pour cent) et d'amylose (18,3 à 24,6 pour cent) dans certaines variétés indiennes de mil chandelle à haut rendement (Singh et Popli, 1973). Subramanian, Jambunathan et Suryaprakash (1981) ont trouvé que la composante prédominante des sucres solubles totaux (2,16 à 2,78 pour cent) était le sucrose (66 pour cent), suivi du raffinose (28 pour cent). Les autres sucres détectés en quantités mesurables étaient le stachyose, le glucose et le fructose. La proportion relative de sucrose dans le sucre total était plus faible dans le mil chandelle que dans le sorgho.
Les propriétés de collage de l'amidon du mil chandelle étaient en général analogues à celles du sorgho, sauf quand on le laissait pendant une heure à 95°C (Badi, Hoseney et Finney, 1976). Beleia, Varriano-Marston et Hoseney (1980) ont considéré les dissemblances moléculaires inhérentes comme le facteur essentiel des différences physico-chimiques de cinq amidons de mil chandelle examinés. La teneur en amylose de ces amidons variait dans une fourchette étroite (de 22 à 24 pour cent). La variation de la capacité d'agglutination dans l'eau (de 83,6 à 99,5 pour cent) était probablement due aux différences de proportions d'amidon amorphe et cristallin dans le granule; L'amidon amorphe possède une capacité d'absorption d'eau plus grande que l'amidon cristallin. Dans les cinq amidons, la température de gélatinisation était au départ de 59 à 63°C, à mi-parcours de 65 à 67,5°C et à l'arrivée de 68 à 70°C. La gélatinisation de l'amidon du mil chandelle se produisait à une température plus faible que celle de l'amidon du sorgho (tableau 19). En général, on a observé que les amidons qui présentaient une solubilité faible et gonflaient en dessous de 75°C avaient plus de solubilité et de gonflant à 80°C et au-dessus. La température de collage maximale des cinq amidons étaient la même, 76,5°C. Les différences de viscosité de la pâte étaient plus grandes après un maintien d'une heure à 95°C et pendant le cycle de refroidissement, ce qui montrait que certains amidons tendaient à rétrograder plus que d'autres.
La viscosité maximale de la pâte d'amidon de la farine de mil chandelle était beaucoup plus faible que celle de l'amidon du sorgho (Badi, Hoseney et Finney, 1976). On a constaté que le mil chandelle présentait une très forte activité d'amylase, environ 10 fois plus que celle du grain de blé (Sheorain et Wagle, 1973), ce qui expliquait probablement la faible viscosité maximale observée. Beleia et Varriano-Marston (1981 a,b) ont observé que l'amylase du mil chandelle était plus active contre l'amidon du blé que contre l'amidon du mil chandelle lui-même. Cette observation présente une grande importance pratique. En effet, le pain préparé à partir de farine de blé mélangée avec 10 pour cent de farine de mil chandelle donne un meilleur volume que le pain standard à base de farine de blé contenant du malt et du sucre (Badi, Hoseney et Finney, 1976). Ainsi, la farine de mil chandelle utilisée pour remplacer une partie de la farine de blé peut être substituée avec succès au malt et au sucre dans la préparation de produits de boulangerie tels que le pain, les biscuits et les pâtes. Subramanian, Jambunathan et Ramaiah (1986) ont observé que la qualité du pain sans levain (roti) à base de farine de mil chandelle était influencée par la capacité de gonflage, la fraction de farine soluble dans l'eau, la teneur en amylose et en protéines solubles dans l'eau de la farine. La capacité de gonflage de la farine était étroitement corrélée avec toutes les qualités sensorielles des roti, à savoir la couleur, la texture, l'odeur, le goût et l'acceptabilité. En revanche, la teneur en amylose et la fraction de la farine soluble dans l'eau étaient en corrélation inverse avec toutes ces caractéristiques.
Eleusine
Dans les variétés d'éleusine à fort rendement analysées par Wankhede, Shehnaj et Raghavendra Rao (1979a), la teneur moyenne en amidon était de 60,3 (de 59,5 à 61,25 pour cent), en pentosane de 6,6 (de 6,2 à 7,2 pour cent), en cellulose de 1,6 (de 1,4 à 1,8 pour cent), en lignine de 0,28 (de 0,04 à 0,6 pour cent) et en sucres libres de 0,65 (de 0,59 à 0,69 pour cent). Le sucrose (33 pour cent), le glucose et le fructose (12 pour cent chacun), ainsi que le maltose et le raffinose (10 pour cent chacun) étaient les principaux composants du sucre libre de l'éleusine. La teneur en amylose de l'amidon de l'éleusine était de 16 pour cent (Wankhede, Shehnaj et Ragavendra Rao, 1979b), soit plus faible que dans le sorgho normal et les autres mils. La capacité de gonflage et la solubilité dans l'eau à 90°C de l'amidon isolé de l'éleusine étaient plus faibles que celles de l'amidon du sorgho et analogues à celles des autres mils. La viscosité maximale élevée et l'augmentation de viscosité au refroidissement suggéraient une forte tendance de l'amidon à la rétrogradation. Après le maltage du grain, la viscosité de la pâte était réduite et la densité en éléments nutritifs, particulièrement la densité énergétique, renforcée. C'est sur cette base que l'on a élaboré un aliment de sevrage contenant 70 parties d'éleusine maltée et 30 parties de haricots velus de Nubie décortiqués (Malleshi et Desikachar, 1982).
Autres mils
On a signalé que le millet commun et le millet des oiseaux présentaient à la fois des types d'endosperme glutineux et non glutineux, tandis qu'il semblerait que dans l'éleusine et le moha du Japon il n'y ait que le type d'endosperme non glutineux (Tomita et al., 1981). L'amidon des deux variétés de millet des oiseaux était composé à 100 pour cent d'amylopectine. Les amidons du millet des oiseaux, du millet commun et du moha du Japon étaient plus digestibles que celui du mais en termes d'amyiolyse in vitro par amylase pancréatique. Les amidons glutineux étaient plus assimilables que les types non glutineux, comme dans les autres grains céréaliers.
L'augmentation de la viscosité de la pâte au refroidissement à 35°C et sa nouvelle montée après une heure de maintien à cette température indiquaient la forte tendance des amidons du mil à la rétrogradation. L'une des variétés communes, à savoir le Big red, était exceptionnelle en ce que son amidon présentait une capacité de liaison dans l'eau plus forte et une température de gélatinisation plus élevée que celles des cinq autres variétés.
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