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3.3.3. Économie d'énergie au niveau des séchoirs
3.3.3.1. Rappel
Nous avons vu que le rendement calorifique moyen des séchoirs statiques était de 1 500 à 1800 kcal/kg d'eau évaporée et que celui des séchoirs continus était d'environ 1200 kcal/kg d'eau (cf. 3.2.4.). Il est possible d'agir sur certains facteurs pour limiter les pertes d'énergie.
3.3.3.2. Les possibilités d'économie. Comment intervenir?
a) On pourra tout d'abord réduire les pertes par conduction-rayonnement en isolant les parties chaudes du séchoir. Ceci représente un investissement assez faible mais l'économie qui en résulte reste limitée.
b) LE CHAUFFAGE DIRECT
La suppression de l'échangeur peut être envisagée pour éviter de gaspiller des calories. Nous avons parlé des risques d'un séchage direct utilisant le fuel comme combustible. Cette solution nécessite un parfait réglage du brûleur à fuel.
Le plus simple, est de prévoir une conversion en gaz naturel ou au butane liquéfié avec modification du générateur d'air chaud, mais ces gaz sont rarement commercialisés dans les pays en développement.
c) RÉCUPÉRATION DE LA CHALEUR DU GRAIN
La chaleur sensible du grain pourra être récupérée par la méthode dite de «dryération» ou en français «Refroidissement Lent Différé».
Le refroidissement lent différé
- Principe
On utilise la chaleur emmagasinée par le grain au cours du séchage pour éliminer les derniers «points d'humidité».
- Technique
Après le séchage, le refroidissement du grain ne s'effectue plus dans la partie basse du séchoir mais dans des cellules de refroidissement équipées d'un système de ventilation.
La zone de refroidissement est transformée en zone de séchage ce qui augmente le débit du séchoir.
Les grains de maïs sortant du séchoir à une humidité de trois points supérieure à celle de sauvegarde, et à une température de l'ordre de 50° C - 60° C sont transférés dans la cellule de «temporisation» où ils vont reposer pendant environ 8 à 12 h. Cette période de repos permet une migration de l'eau du grain de l'amande vers la périphérie, homogénéise la répartition d'eau dans le grain et supprime les tensions internes dues aux gradients hydrothermiques.
Après la période de repos, l'application d'une ventilation avec de l'air ambiant à raison de 40 à 60 m³/h/m³ pendant 10 à 15 h permet d'une part de refroidir le grain, et d'autre part, grâce au réchauffement de l'air par la chaleur du grain, d'évacuer les derniers points d'humidité.
Après refroidissement complet le grain est transféré dans les cellules de stockage.
Fig. 56: Schéma du principe de la méthode de séchage par dryération. (D'après I.T.C.F.)
- Intérêts du R.L.D.
Économies d'énergie de 15 % à 25 %.
Augmentation de débit du séchoir de 30 % à 40 %.
L'augmentation du débit de séchage par la dryération est liée à 4 facteurs:
1° La section réservée au refroidissement dans le séchoir continu est supprimée et utilisée pour le séchage.
2° Le produit sort à humidité plus élevée; il y a donc moins d'eau à enlever dans le séchoir.
3° L'air de séchage peut être porté à température plus élevée, sans risque de calciner le grain sortant du séchoir.
4° L'efficacité totale de l'opération est augmentée.
RÉSULTATS D'ESSAIS DE DÉBIT
Température de l'air | Débit de séchage (en q/h de maïs 25 à 14) |
|
Séchage classique |
Dryération |
|
87° C |
22 |
29 |
115° C |
27 |
49 |
143° C |
36 |
62 |
Diminution de la fragilité du grain
Les résultats obtenus au cours des essais sur mais sont très nets.
Essais de séchage de maïs de 25 à 14 % selon divers procédés. Incidences sur le taux de brisures (résultats Thomson et Foster):
Méthode de séchage | % grains fêlés | % brisures |
Séchage classique | 43,6 | 11,3 |
Dryération | 7,6 | 6,7 |
Séchage en 2 temps | 4,9 | 7,0 |
Témoin | 1,5 | 5,6 |
Par rapport au séchage classique, la dryération réduit très nettement le pourcentage de grains fêlés (43,6 à 7,6 %) et le pourcentage des brisures (11,3 à 6,7 %).
La durée de pause d'homogénéisation influe sur le taux de brisures; les meilleurs rendements en grains entiers ont été obtenus avec des temps d'homogénéisation de 12 heures.
- Inconvénients
Des condensations pouvant se produire lors du refroidissement et permettre le développement ultérieur des moisissures, il est IMPÉRATIF de vider la cellule lorsque le refroidissement est achevé. Cette technique ne doit donc pas être utilisée si le refroidissement est fait dans la cellule de stockage.
Nécessité d'une cellule de refroidissement avec ventilation spéciale.
Le système nécessite un évacuateur de buées efficace. Il est également conseillé d'isoler la zone de dryération du reste du silo.
L'élévateur de grains encore humides et chauds doit être surdimensionné et également équipé d'une évacuation de buées.
Vue la température des grains à la sortie du séchoir la mesure de l'humidité devra être faite par une étuve (on ne pourra utiliser un humidimètre électrique que si l'on a auparavant refroidi brutalement l'échantillon prélevé).
La dryération reste cependant un système intéressant d'économie d'énergie et avec l'emploi d'un chauffage direct au gaz on peut espérer descendre à 950 kcal/kg d'eau évaporée.
d) RECHERCHE D'UNE MEILLEURE SATURATION DE L'AIR
La technique de séchage à courants croisés utilisée dans les séchoirs continus fait que tout au long de son circuit dans le séchoir le grain est attaqué par un air ayant toujours les mêmes caractéristiques. En haut du séchoir, l'air chaud rencontre le grain très humide et ressort pratiquement saturé. Par contre, en bas de la colonne de séchage, le grain étant déjà fortement séché, les transferts d'eau sont beaucoup plus difficiles. Le débit spécifique étant le même, l'air qui ressort est loin de la saturation, donc sa température est encore élevée (60° C environ) et il peut être recyclé.
Ainsi, l'air sortant du générateur d'air chaud est envoyé dans la partie basse de la colonne de séchage. L'air usé qui en ressort est renvoyé dans la partie haute où il se sature en traversant et séchant le grain humide. Cette technique permet d'abaisser la consommation spécifique à 850 kcal/kg d'eau évaporée.
Fig. 57: Principe du séchoir à double circulation d'air (VIM).
Elle présente cependant l'inconvénient de sous-utiliser la partie haute du séchoir. La température d'attaque n'étant plus que de 60° C la quantité d'eau évaporée dans cette zone est faible par rapport à ce qu'elle pourrait être si on utilisait une température supérieure. Cet inconvénient est éliminé dans les séchoirs suivants:
Séchoir surrégénéré
Dans ce séchoir, à deux étages, l'air usé sortant du premier étage est mélangé avec de l'air sortant de la zone de refroidissement.
Ce mélange, avant d'attaquer l'étage supérieur du séchoir, est réchauffé à une température élevée (de l'ordre de 150° C); il peut ainsi sécher le grain humide qui arrive au séchoir. L'air usé sortant du séchoir est alors pratiquement saturé.
Cette technique permet une économie de 25 % par rapport à un séchoir classique en chauffage direct et de 35 % par rapport à un séchoir conventionnel équipé d'un brûleur à échangeur. Elle permet d'abaisser la consommation thermique spécifique à 760 kcal/kg d'eau évaporée. La capacité de séchage est accrue de 120 %.
Fig. 58: Séchoir surrégénéré. (Doc. FAO).
Des essais en vraie grandeur ont en effet donné les résultats suivants (essais ITCF - 1977):
Séchoir conventionnel | Séchoir 2 étages | gains | |
Consommation thermique spécifique | Direct 1000 kcal/kg Indirect 1 150 kcal/kg |
750 kcal/kg | 25% 35% |
Puissance d'évapo ration | 1 575 kg/h | 3 483 kg/h | 120% |
Sur le même principe il est possible de concevoir des séchoirs à étages multiples avec réglage échelonné des températures d'air.
e) RÉCUPÉRATION D'UNE PARTIE DE LA CHALEUR DE VAPORISATION DE L'EAU
Tous les procédés décrits précédemment sont théoriquement limités dans leurs performances par la quantité de chaleur nécessaire à la vaporisation de l'eau.
On pourra récupérer une partie de cette chaleur en condensant l'eau contenue dans l'air usé. La chaleur ainsi récupérée permettant un préchauffage (40° C - 45° C) de l'air neuf arrivant au séchoir.
Nous pouvons reprendre le schéma de principe pour un séchoir biétagé. L'air très chaud (150° C) qui attaque les grains (très humides) de l'étage supérieur est recyclé. Cet air bien saturé et chaud est condensé au niveau d'un laveur, l'eau récupérée est chaude. Au niveau d'un échangeur eau-air (10 fois plus performant qu'un échangeur airair), elle cède sa chaleur à l'air frais entrant dans la partie inférieure du séchoir en le préchauffant à 40° C - 45° C.
Cette technique devrait permettre de parvenir à des consommations thermiques spécifiques de l'ordre de 700 kcal/kg d'eau évaporée, voire moins.
Des mises au point sont cependant encore nécessaires. L'air ayant traversé le grain est en effet chargé de poussières et de pellicules qui risquent de provoquer des colmatages au niveau de l'échangeur.
Nous venons de voir quels types d'actions peuvent être menées au niveau d'un séchoir en vue d'économiser l'énergie. Cependant nous n'avons parlé là que de séchoirs utilisant des sources d'énergies «classiques» telles que fuel ou gaz. Récemment sont apparus sur le marché des séchoirs utilisant la biomasse comme source énergétique.
Fig. 59: Principe du séchoir «biétagé» à économiseur. (D'après ITCF.)
3.3.4. Utilisation de la biomasse pour le séchage
Dans l'opération de séchage le combustible est très coûteux surtout depuis le renchérissement des produits pétroliers qui ont l'énorme avantage d'être faciles à stocker et à utiliser (existence de brûleurs faibles et régulés). Pour les petits séchoirs isolés leur emploi n'est pas envisageable et pour les grands il est de moins en moins économique.
Deux solutions de remplacement offrent de l'intérêt: le séchage solaire et l'emploi de combustibles de remplacement.
Le séchage solaire offre l'avantage d'une énergie gratuite mais irrégulière et peu concentrée.
L'énergie solaire reçue au sol étant en moyenne de 5,5 kwh/m²/jour ceci correspond au pouvoir calorifique de (5,5 x 860) / 4 000 = 1,2 kg de bois sec. Bien entendu le rendement de la captation ou de la combustion a une très grande importance pour l'utilisation de ces potentiels énergétiques.
En pratique, à moins d'employer des capteurs de grande surface ou de sécher des produits de quelques pour cent d'humidité seulement, le débit des séchoirs solaires est limité. Les sous-produits cellulosiques, lorsqu'ils sont disponibles sur le site, renferment une énergie calorifique importante et apte à réchauffer les grandes masses d'air nécessaires au séchage.
L'énergie calorifique des sous-produits est souvent sous-estimée, alors qu'elle est considérable.
Ainsi:
- une plantation de cocotiers à 150 arbres par hectare et 67 noix par arbre et par an, fournit en noix et palmes l'équivalent calorifique de 5450 kg de fuel;
- l'usinage d'une tonne de riz produit 200 kg de balle (équivalent à 60 kg de fuel). Dans un séchoir ayant un rendement évaporatoire de 2 000 mth/kilo d'eau évaporée, ce qui est moins que moyen, ces 200 kg de balle permettent d'évaporer 330 kg d'eau, soit de sécher une tonne de paddy de 35 %. à 14 %. L'humidité initiale est souvent bien inférieure, et la balle est généralement suffisante pour produire l'électricité nécessaire à l'usinage.
De nombreux autres exemples peuvent être cités. En première approximation le pouvoir calorifique des sous-produits cellulosiques est estimé à 3,300 th/kg que l'on exprime également par:
«3 kg de sous-produit = 1 kg de fuel»
(Cf. 3.2.5. pour connaître le P.C.I. de différents bio-combustibles).
a) GÉNÉRATEURS D'AIR CHAUD UTILISANT DES SOUS-PRODUITS
Ces matériels sont encore peu nombreux et souvent au stade du développement, Nous distinguerons les matériels par puissance, ce qui correspond généralement à un contexte socio-économique.
Petite puissance.
Moyenne puissance.
Grande puissance.
- Générateurs de petite puissance (moins de 50 thermies/heure)
Pour mémoire, rappelons que le bois est le combustible presque exclusif à ce niveau avec de graves problèmes de déforestation dans de nombreuses régions du monde. Le séchage n'entre que pour une très faible part dans ce fléau, car les zones déficitaires en bois sont généralement sèches.
L'un des petits séchoirs utilisant le bois est le modèle BROOKS décrit plus loin au chapitre IV.
Des modèles dérivés ont été réalisés, tous conçus avec un échangeur pour éviter le risque d'incendie. Ainsi celui de l'Université de Ife (Nigéria) permet de sécher 200 kg de grain (couche de 10 cm d'épaisseur) de 25 à 12 % en 4 heures avec une consommation de 60 kg de bois, ce qui correspond à un rendement évaporatoire de 1,73 kg de bois par kilo d'eau, donc plus de 5 thermies par kilo d'eau évaporée, ce qui est très défavorable et explique pourquoi ce type de séchoir ne connaît qu'une diffusion très limitée.
L'emploi de sous-produits ne faisant pas l'objet - comme le bois - de transactions commerciales, est souvent plus intéressant.
Aux Philippines, l'I.R.R.I. a mis au point deux générateurs à balle de riz. L'un est réalisé en briques avec une ossature métallique (Fig. 61) et l'autre en tôles métalliques.
Avec une consommation de 3 à 4 kg de balle par heure, le réchauffage de l'air atteint 14° C (29° à 43° C) pour un débit d'air de 73 m³ heure (rendement du réchauffage d'air de l'ordre de 10 % seulement). La température maximum atteinte est de 60° C avec une consommation de 8 kg/heure, mais la combustion est alors moins complète.
- Générateurs de moyenne puissance (50 à 200 thermies/heure)
Ces matériels présentent un intérêt particulier pour les pays en développement car ils correspondent à des structures villageoises ou communautaires aptes à supporter un investissement hors de portée des agriculteurs individuels et impossible à rentabiliser à leur échelle. Toutefois, peu de matériels sont actuellement vulgarisables car ils ne correspondent pas à une gamme de puissance intéressant les pays développés pour lesquels les priorités sont d'une part le chauffage domestique avec de petites chaudières à eau et d'autre part, les grands séchoirs de plus d'un millier de thermies.
Certains constructeurs proposent cependant des générateurs polycombustibles à échangeur air-air de puissance comprise entre 50 et 200 thermies pouvant répondre à de nombreux besoins, Les foyers en briques réfractaires permettent une bonne montée en température et une combustion régulière du produit, mais les briques réfractaires sont rarement disponibles sur place et sont coûteuses à importer. De plus il faut prévoir une réfection du foyer après plusieurs années (selon l'intensité d'utilisation). Les foyers métalliques ayant une inertie thermique faible sont plus sensibles aux variations d'alimentation et d'humidité du produit mais offrent l'avantage d'une implantation et d'une maintenance aisées.
Fig. 61: Schéma d'un foyer à balle de riz. (I.R.R.I. - Philippines,)
Fig. 62: Générateur polycombustible à échangeur air-air. (D'après Doc. WESTFALIA.)
Fig. 63: Schéma générateur à rafles de mais sur séchoir continu. (D'après Doc. ROULIN.)
Avant toute acquisition il est prudent de procéder à des essais avec le fournisseur afin de vérifier d'une part la régularité de fonctionnement du foyer avec le produit à brûler, et d'autre part, l'absence de colmatage des grilles par des cendres fusibles après refroidissement; de «cuisants»échecs ayant été observés pour cette raison.
Notons que très souvent le foyer peut recevoir un brûleur d'appoint à fuel ce qui permet de régulariser le fonctionnement et de pallier des déficiences d'approvisionnement.
Les foyers à combustion directe travaillant en excès d'air, leur rendement est souvent moyen (50 à 70 %) et l'emploi de brûleursgazogène est une nouvelle orientation intéressante avec la mise au point actuelle de gazogènes polycombustibles. Le gazogène offre l'avantage d'une combustion plus régulière et produit un gaz directement utilisable dans un brûleur simple à gaz pauvre. Les premiers modèles commercialisables devraient être rapidement disponibles.
- Générateurs de grande puissance (au-delà de 500 thermies/heure)
Depuis très longtemps les sous-produits sont utilisés dans des foyers de chaudières industrielles pour la production de vapeur et transformation en énergie mécanique ou électrique. La balle de riz a longtemps assuré l'indépendance énergétique des rizeries avant d'être supplantée par le groupe électrogène Diesel dont l'exploitation est devenue à nouveau coûteuse. Pour le séchage, les premières applications ont été réalisées sur des séchoirs de mais de semence en épis car ce procédé - ayant un mauvais rendement - est très coûteux en combustible. Plusieurs types de foyers sont utilisés: en acier, briques, béton ou céramique réfractaires. Un échangeur air-air ou une chambre de dilution complètent l'installation. Pour certains un séchage préalable des rafles est prévu par recyclage d'air usé.
Ces générateurs de grande puissance ne sont encore testés qu'avec des rafles et de la paille et sur un petit nombre d'installations. Devant atteindre le niveau de fiabilité d'un équipement industriel il est probable que leur complète mise au point exigera encore plusieurs campagnes d'essais.
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