IMPORTANCE DE PROSTEPHANUS TRUNCATUS (HORN) (COLEOPTERA: BOSTRICHIDAE) ET DES AUTRES INSECTES DES STOCKS DE MAÏS DANS LES ENTREPÔTS CEREALIERS DU BURKINA FASO
S. TRAORE, I. OUEDRAOGO & B.H. BAMA
Institut de l'Environnement et de Recherches Agricoles (INERA), Ouagadougou, Burkina FasoIntroduction
La conservation des céréales en général et du maïs en particulier
a toujours été une préoccupation aussi bien dans les grands entrepôts que chez les
producteurs. Dans les grands magasins disséminés à travers le pays, la protection est
assurée par des moyens modernes nécessitant lintervention des structures
spécialisées. Chez les producteurs, en revanche, lutilisation des méthodes
traditionnelles reste dominante en dépit des campagnes de sensibilisation. Les insectes
les plus importants des stocks de maïs demeurent Sitophilus zeamais Motschulsky, Rhizopertha
dominica F., Tribolium castaneum Herbst, Tribolium confusum du Val, etc.
Pour ce qui est du grand capucin du maïs, Prostephanus truncatus (Horn), sa
présence au Burkina a été signalée en 1991 par Bosque-Pérez et al. (1991) à
travers des prospections réalisées en utilisant des pièges à phéromones.
Le grand capucin du maïs est un ravageur endémique du maïs stocké sous forme de grains
en Amérique du Nord et en Amérique centrale (Chittenden, 1895, Back & Cotton, 1922,
cités par Haubruge & Gaspar, 1990). Introduit accidentellement sur le continent
africain, ce nuisible des denrées stockées a été signalé pour la première fois en
Tanzanie en 1981 (Dunstan & Magazini, 1981). En Afrique de lOuest, le
coléoptère a dabord été signalé au Togo en 1984 (Harnisch & Krall, 1984).
Localisé dans le sud du pays, il a connu par la suite une progression vers le nord. C'est
cette présence du ravageur au nord qui a été à la base des recherches au Burkina Faso.
Prostephanus truncatus est lun des déprédateurs les plus dangereux des
denrées stockées et il provoque dimportantes pertes (Haubruge & Gaspar, 1990).
Golob et Hodges (1982) estiment les pertes pondérales entre 15 et 35% des récoltes au
bout de six à huit mois de stockage.
La présente étude fait le point de la présence du ravageur dans les différentes
localités du pays et lévolution que sa population a connue dans les entrepôts où
il est susceptible de causer de grands dommages.
Matériel et Méthodes
Des pièges à phéromone équipés dune phéromone binaire
composée de matière active «Trunc-Call I et II» ont été utilisés dans les champs
des stations expérimentales de Kamboinsé, Farako-Bâ et Banfora ainsi que dans les
entrepôts et marchés de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Banfora. Les pièges ont été
posés une fois par mois pendant la période allant de novembre 1995 à février 1996.
Les prospections ont été réalisées sur les mêmes sites mentionnés ci-dessus. Elles
ont consisté a prélever 10 échantillons par entrepôt, à raison dun kilogramme
par échantillon. Dans les marchés, il a été pris un kilogramme chez 10 vendeurs
choisis au préalable. Les échantillons ont été prélevés une fois par mois de
novembre 1995 à février 1996. Après prélèvement, les pièges et les échantillons de
maïs ont été ramenés au laboratoire pour y être triés. Les différents insectes
rencontrés ont été dénombrés par espèce et par localité.
Résultats
Lexamen des résultats montre que S. zeamais a été le ravageur le plus important dans les trois localités. Il est suivi de R. dominica et enfin de P. truncatus dont la population est marginale. Les captures les plus importantes ont été réalisées dans les magasins de stockage dans une même localité.
Tab. 1 | Insectes capturés par les pièges à phéromone dans différentes localités du Burkina Faso (un piège par traitement et par mois; période dobservation novembre 1995 à février 1996; Pt = P. truncatus, Sz = S. zeamais and Rd = R. dominica). |
Localités |
|||||||||
Ouagadougou |
Bobo-Dioulasso |
Banfora |
|||||||
Sites | Pt |
Sz |
Rd |
Pt |
Sz |
Rd |
Pt |
Sz |
Rd |
Marchés | 0 |
3 |
2 |
0 |
0 |
0 |
1 |
5 |
0 |
Magasin de stockage | 0 |
32 |
6 |
0 |
13 |
2 |
0 |
26 |
2 |
Station de recherche | 2 |
12 |
0 |
0 |
4 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Les pièges à phéromone placés dans les localités et les sites de
piégeage retenus de novembre 1995 à février 1996, soit un mois après la récolte, ont
été relevés. Les premières captures ont été observées au cours des mois de novembre
à Banfora et février à Ouagadougou. Au total trois (3) individus de P. truncatus
ont été capturés dont deux (2) dans la station expérimentale de Kamboinsé et un (1)
dans le marché de Banfora (tableau 1). Sur les autres sites, aucune capture na eu
lieu durant cette période.
Quant aux autres déprédateurs, leur nombre a varié suivant le traitement, mais
S. zeamais et R. dominica ont été les principaux insectes
rencontrés. Le piégeage réalisé au niveau des marchés a permis la capture de trois
(3) S. zeamais à Ouagadougou, et cinq (5) à Banfora. Aucun individu na
été capturé à Bobo. Dans les magasins de stockage, le nombre dinsectes
rencontré a été plus important, avec 32 S. zeamais dénombrés à Ouaga
contre 13 à Bobo et 26 à Banfora (Tab. 2). Lespèce R. dominica a
connu une présence relativement faible dans les magasins de stockage: six (6) individus
ont été dénombrés à Ouaga, deux (2) respectivement à Bobo et à Banfora. Dans les
stations de recherche, seul S. zeamais a été identifié avec
12 spécimens à Ouaga et quatre (4) à Bobo.
Tab. 2 | Insectes capturés par les pièges à phéromone dans différentes localités du Burkina Faso (un piège par traitement et par mois; période dobservation novembre 1995 à février 1996; Pt = P. truncatus, Sz = S. zeamais and Rd = R. dominica). |
Localités |
|||||||||
Ouagadougou |
Bobo-Dioulasso |
Banfora |
|||||||
Sites | Pt |
Sz |
Rd |
Pt |
Sz |
Rd |
Pt |
Sz |
Rd |
Marchés | 0 |
977 |
128 |
0 |
122 |
77 |
0 |
1022 |
158 |
Magasin de stockage | 0 |
1875 |
617 |
0 |
375 |
42 |
0 |
2386 |
822 |
Station de recherche | 0 |
678 |
58 |
0 |
30 |
12 |
0 |
351 |
25 |
Avec les échantillons prélevés, les résultats montrent labsence du grand capucin dans les stocks de prélèvement. En revanche, on a noté une forte présence des deux autres, à savoir S. zeamais et R. dominica, dans tous les sites prospectés. Les résultats du tableau 2 montrent également une attaque plus importante de S. zeamais et de R. dominica dans les magasins de stockage que sur les stocks des marchés et des stations de recherche. Au cours de nos investigations, nous navons rencontré le prédateur de P. truncatus ni dans les pièges ni dans les échantillons de maïs. Cest dans les magasins de Banfora que le maïs est le plus attaqué, suivi de Ouagadougou.
Discussion
Les résultats acquis de ces travaux confirment la présence de P.
truncatus au Burkina Faso. Cette présence avait déjà été signalée par
Bosque-Pérez et al (1991). Cependant, les localités de Bobo-Dioulasso et Banfora
navaient pas été prises en compte par ces auteurs. Il est désormais établi que
le grand capucin est largement répandu dans toutes les zones écologiques du pays. Le
très faible nombre d'insectes capturé montre que la population du grand capucin n'est
pas importante au Burkina Faso. Ce ravageur des stocks a été signalé depuis 1991 et ces
données établissent une évolution presque nulle, donc une incidence négligeable sur
les stocks pour le moment. Cette stagnation de la population peut être attribuée au
renouvellement très rapide des stocks de maïs. On observe également une présence
massive de certains ravageurs traditionnels des stocks tels que S. zeamais et R. dominica.
Ces ravageurs primaires sont souvent la cause des dégâts que l'on observe sur le maïs
stocké.
L'absence de P. truncatus au niveau des différents entrepôts confirme les
observations de Cave et Wright (1989) qui rapportent que cet insecte est généralement
absent des entrepôts dAmérique centrale. La forte présence des autres
déprédateurs tels que S. zeamais et R. dominica pourrait aussi
expliquer labsence de P. truncatus. En effet, Biliwa et Richter (1990),
dans leurs études sur les populations de P. truncatus et de S. zeamais,
ont rapporté que la population qui prédomine au départ du stockage ou qui
saccroît assez vite réduit fortement les activités de lautre.
Conclusions
La présence du grand capucin au Burkina Faso a été confirmée par la
présente étude. Ce ravageur est réparti dans toutes les écologies du pays, mais son
rôle dans les dégâts ne paraît pas important. Les ravageurs traditionnels tels que S. zeamais,
R. dominica, etc. sont responsables en grande partie des dégâts que nous
avons observés. Les études sur P. truncatus doivent être poursuivies pour
suivre lévolution future de cet insecte, car le développement du maïs va
connaître un essor certain avec le vaste aménagement en cours des périmètres
irrigués.
Ces études nont pas pris en compte la situation chez le paysan, qui se caractérise
le plus souvent par de fortes attaques des ravageurs habituellement rencontrés. Un
travail de prospection pourrait permettre de faire le point sur la situation du grand
capucin depuis son apparition au Burkina Faso.
Références
Biliwa, A. & Richter, J., 1990. Efficacité dinsecticides binaires en poudre sur du maïs égrené | |
stocké en sacs, pp. 1577- 1585. In Fleurat-Lessard, F. & Ducom, P. [eds.]: Proceedings 5th International Working Conference on Stored -Product Protection. Bordeaux, France. | |
Bosque-Pérez, N.A., Traore, S., Markham, R.H. & Fajemisin, J.M., 1991. Occurrence of larger | |
grain borer Prostephanus truncatus in Burkina Faso. FAO Plant Protection Bulletin 39: 182-183. | |
Cave R.D. & Wright de Malo, V., 1987. Perspectives de recherche sur le grand capucin du | |
maïs en Amérique centrale, p. 5. In Markham, R.H. & Herren, H.R. [eds.]: Comptes Rendus dune Réunion de Coordination IITA/FAO tenue les 2 et 3 Juin 1989 à Cotonou, Bénin. | |
Dunstan, W.R. & Magazini, I.A., 1981. Outbreaks and new records: Tanzania. The larger grain | |
Borer on stored products. FAO Plant Protection Bulletin 29: 80-81. | |
Golob, P. & Hodges, R.J., 1982. Study of an outbreak of Prostephanus truncatus in Tanzania. | |
Report G164 of the Tropical Products Institut, Chatham, UK. | |
Harnisch, R. & Krall, S., 1984. Further distribution of the larger grain borer in Africa. FAO Plant | |
Protection Bulletin 32: 113-114. | |
Haubruge, E. & Gaspar, C., 1990. Détermination en laboratoire des zones maïs égrené stocké en | |
sacs, pp. 921-935. In Fleurat-Lessard, F. & Ducom, P. [eds.]: Proceedings 5th International Working Conference on Stored -Product Protection. Bordeaux, France. |