MISE AU POINT D'OUTILS DE PRISE DE DÉCISIONS POUR LA GESTION DES RAVAGERUS DES GRENIERS A CEREALES EN AFRIQUE DE L'OUEST
W.G. MEIKLE1, N. HOLST2, C. NANASEN1, J.N. AYERTEY3, B. BOATENG3 AND R.H. MARKHAM1
1 | Institut International dAgriculture Tropicale (IITA), Bénin |
2 | Danish Institut of Agricultural Sciences, Department of Plant Protection, Denmark |
3 | Department of Crop Science, University of Ghana, Legon, Ghana |
Introduction
Les modèles de simulation de la densité des insectes, du développement des champignons, de la valeur économique, etc. sont de précieux outils dans la recherche de stratégies de protection plus performantes. Ces modèles offrent un cadre utile à l'intérieur duquel l'on peut i) intégrer sa propre compréhension de divers aspects de la biologie des ravageurs, ii) comprendre l'effet de diverses options de gestion des greniers et iii) anticiper les situations dans lesquelles la pression des ravageurs et les autres variables diffèrent parfois de ce que l'on trouve dans les études sur le terrain et dans les expériences. Nous comptons montrer comment ces modèles peuvent être reliés à d'autres types d'outils tels que les techniques d'échantillonnage et les méthodes GIS (Systèmes d'Informations Géographiques) pour produire un instrument d'aide à la prise de décisions pour gérer le stockage du maïs.
Généralités: modèles de populations de ravageurs
L'une des applications originales
des modèles de simulation aux greniers à maïs ruraux est le fait qu'ils offrent un
moyen de diviser la dynamique de la perte de céréales en cours de stockage en processus
distincts mais complémentaires, et de relier ainsi des variables dominantes, notamment le
climat à la progression des pertes en passant par la dynamique des ravageurs. Dans cette
approche, les processus sont représentés par des modèles de population pour
différentes espèces d'insectes; ces modèles peuvent à leur tour être reliés par des
fonctions représentant des interactions biologiques telles que la concurrence, la
facilitation (par exemple, l'appauvrissement des ressources alimentaires par une espèce
qui rend ainsi la situation plus favorable à une autre), la prédation ou d'autres
relations. Jusqu'ici, nous avons pu modéliser avec succès la dynamique de population de Prostephanus
truncatus et nous sommes sur le point de produire des modèles de Sitophilus
zeamais et de Teretriosoma nigrescens.
Il reste encore plusieurs questions importantes à résoudre avant de pouvoir relier
correctement ces modèles au plan biologique. Certes, l'on suppose que la relation qui
existe entre P. truncatus et S. zeamais, par exemple, est une
relation de concurrence (Vowotor, données non publiées), mais l'on ne sait pas
exactement comment se manifeste cette concurrence: par une plus forte émigration, une
plus faible fécondité, par une exclusion spatiale ou par d'autres mécanismes? Dans un
environnement aussi complexe que le grenier à grain, il est difficile de mesurer
directement les paramètres qui déterminent la réponse fonctionnelle comportementale et
numérique de T. nigrescens et qui sont nécessaires pour relier le modèle du
prédateur à celui de P. truncatus; ces paramètres s'obtiennent en modifiant
les valeurs obtenues au laboratoire et l'ensemble des données recueillies en plein champ.
Etant donné que le projet s'étend à différentes régions d'Afrique, nous comptons
appliquer l'approche de modélisation à la dynamique de population de Sitotroga cerealella,
en utilisant les nombreuses séries de données recueillies dans le cadre du projet au
Mexique et en Amérique centrale ainsi que les données précédemment publiées par
d'autres chercheurs.
Même le modèle de population d'une seule espèce (Meikle et al., 1998), une fois
relié à des pertes de poids journalières par tête, peut servir valablement à évaluer
des hypothèses concernant les effets de facteurs climatiques et de différentes
stratégies de protection. La Figure 1, qui s'inspire du travail de Markham et al.
(1996), examine l'effet de différents taux de séchage du grain sur la perte de poids du
grain. Les variables dominantes utilisées pour ces séries du modèle sont 1) les courbes
de séchage (teneur en eau du grain) sur deux sites (notamment Calavi dans le sud du
Bénin, et Banikoara dans le nord du Bénin) ainsi que 2) les températures journalières
enregistrées à Calavi en 1994-95. Les autres paramètres, à savoir le nombre initial
(50) de coléoptères et la masse de grain en stock (500 kg) ont été placés sur un pied
d'égalité. Le séchage du grain à moins de 10% de teneur en eau à Banikoara a
entraîné une perte de poids nettement inférieure. De toute évidence, le résultat
dépendra du régime climatique précis (y compris la température), de la densité de
population du nuisible et de la présence d'ennemis naturels tels que T. nigrescens
(Borgemeister et al., 1997), mais l'on peut étudier ces divers cas de figure à
l'aide du modèle.
Le lien a été fait entre les modèles de populations d'insectes et le modèle de perte
en grain en examinant plusieurs ensembles de données provenant de diverses zones
agro-écologiques. Les taux de dégâts par coléoptère changent avec le temps en
fonction de l'espèce, et les espèces occasionnent des dégâts de différentes
manières. Certains ravageurs préfèrent s'attaquer à des grains préalablement
endommagés; ainsi, la contribution d'un individu aux pertes en grain en fin de saison
peut être bien inférieure à celle d'un individu similaire en début de saison. Une
comparaison des espèces révèle que c'est à l'âge adulte que P. truncatus
occasionne l'essentiel de ses dégâts, en creusant des galeries (Li, 1988; Demianyk &
Sinha, 1988); S. zeamais, en revanche, cause plus de dégâts au cours du
développement larvaire et S. cerealella n'est nuisible qu'au stade larvaire
puisque les adultes ne s'alimentent pas. Grâce aux données générées par les études
sur le terrain réalisées par notre projet au Mexique et en Amérique centrale ainsi
qu'en Afrique de l'Ouest sur la dynamique de population des insectes et les pertes en
grain dans les greniers à maïs ruraux, nous pouvons estimer les taux de dégâts par
insecte pour plusieurs espèces nuisibles dans des situations qui diffèrent
considérablement en termes de climat, d'altitude et d'écologie. Les contributions
relatives des différentes espèces à la perte totale en grain sont estimées à partir
de ces ensembles de données au moyen de techniques d'optimisation numérique.
Fig. 1 | Simulations des effects du teneur en eau sur les pertes du maïs. Les donnés du teneur en eau étaient collectées dans deux locations: à Banikoara, Bénin du nord, et à Calavi, Bénin du sud. |
Pour mieux comprendre les diverses conditions dans lesquelles le maïs est stocké ainsi que les types d'options dont disposent les agriculteurs dans les grandes régions maïsicoles, nous comptons renforcer nos liens avec les projets de recherche participative et de vulgarisation tels que le projet GTZ sur la 'Lutte intégrée contre le grand capucin du maïs dans les petites exploitations agricoles.' Nous espérons également collaborer avec d'autres projets comme le Programme d'Appui au Développement du Secteur Agricole (PADSA) afin de comprendre le rapport qui existe entre les conditions climatiques ambiantes et celles qui prévalent à l'intérieur des greniers, en plaçant des sondes thermiques et hygrométriques à l'intérieur et à l'extérieur de différents types de greniers, dans des sites différents et donc dans des conditions agro-climatiques différentes. Un nouvel aspect du travail consistera à voir comment l'approche de modélisation mise au point pour des insectes nuisibles peut s'appliquer à des pathogènes. Dans certaines régions, les greniers souffrent d'importants dégâts occasionnés par des champignons et l'aflatoxine. Les concepts économiques et les principes d'échantillonnage examinés plus loin s'appliquent aussi, pour la plupart, à la gestion économique et à l'échantillonnage des greniers dans le cadre de la lutte contre les pathogènes. Une approche de modélisation similaire pourrait servir, en temps opportun, dans la mise au point et la diffusion d'options de lutte contre les ravageurs au moyen d'entomopathogènes.
Modélisation économique
Les densités de population des insectes et les taux de perte en grain
ne constituent pas les seuls processus dynamiques dans le système de stockage du maïs.
La valeur du maïs dans un grenier à céréales est tout aussi dynamique et complexe. Il
est évident que les prix du maïs changent de manière relative et, dans un certain sens,
de façon prévisible au cours d'une année en fonction de la demande. Les prix ont
tendance à être à leur plus bas niveau juste après la récolte, en août et septembre
presque partout au Bénin, et à leur plus haut niveau à la fin de la saison sèche quand
on a besoin du grain pour les semis, quand les provisions familiales sont presque
épuisées et quand il y a peu d'autres sources de nourriture fraîche. Les prix du maïs
changent aussi d'année en année, souvent par rapport à la quantité et au moment
d'arrivée des pluies et en réponse à la politique du gouvernementale en matière
d'importation de céréales. De mauvaises conditions climatiques dans une province
avoisinante ou un pays voisin peuvent entraîner des hausses de prix plus modérées dans
les régions environnantes. La valeur du maïs dépend également de sa qualité.
Certaines variétés ont une plus forte valeur économique que d'autres et le maïs
endommagé, qui est souvent vendu à côté d'un maïs propre peut voir sa
valeur changer par rapport à celle du maïs propre.
La valeur d'un grenier à céréales peut être modélisée pour analyser la valeur et
l'impact d'une certaine stratégie de lutte contre les ravageurs et pour évaluer
l'élément économique dans le processus de prise de décision chez l'agriculteur. La
Figure 2 illustre cette approche dans laquelle nous avons utilisé des ensembles de
données - sur les dégâts causés aux grains - recueillies dans des essais en plein
champ (de variétés de maïs Gbogbe et Dzolokpuita non traitées provenant respectivement
du Bénin et du Ghana, stockées avec leurs spathes dans un grenier traditionnel) ainsi
que des prix de maïs relevés sur des marchés du Bénin. L'analyse au laboratoire, par
la méthode de comptage et de pesage (Boxall, 1986), des échantillons provenant du
marché (en loccurrence du marché Tokpa de Cotonou) a révélé que le maïs
'propre' subissait moins de 4% de perte de poids sec et que le maïs 'endommagé'
subissait une perte de poids moyenne d'un peu plus de 6-7%; tout maïs plus endommagé que
ce dernier était apparemment jugé invendable et servait vraisemblablement à la
consommation domestique. En utilisant des données provenant de greniers expérimentaux
dans lesquels la perte de poids avait été évaluée épi par épi, nous avons ensuite
classé les épis par catégories selon leur perte de poids: 'propre' (<4% de perte de
poids), 'endommagé' (4 à 10% de perte de poids) et 'consommation domestique' (>10% de
perte de poids). Pour faciliter l'analyse des données, seul le maïs ayant perdu moins de
10% de son poids était défini comme étant commercialisable. Pour chaque
échantillonnage, nous avons multiplié la quantité de grain dans les greniers entrant
dans chaque catégorie par le prix respectif sur le marché (en considérant le maïs
fortement endommagé réservé à la 'consommation domestique' comme étant invendable et,
par conséquent, sans valeur monétaire); c'est ainsi que nous avons estimé la valeur
marchande des greniers à des moments successifs pendant la campagne. Dans la Figure 2,
les valeurs ainsi obtenues dans un grenier gravement attaqué par P. truncatus
(IITA Calavi, Bénin, campagne de production 1994-95) sont comparées aux valeurs
provenant d'un grenier beaucoup moins attaqué (Kpeve, Ghana, 1994-95) et à la courbe
hypothétique d'un grenier contenant du maïs non endommagé (ce qui traduit tout
simplement le changement que subit le prix sur le marché tout au long de la campagne). Il
est évident que le grenier gravement attaqué perd de sa valeur à partir du troisième
ou du quatrième mois.
Dans ce cas, la meilleure stratégie de l'agriculteur (du point de vue de la rentabilité) consiste probablement à vendre tout excédent de céréales en octobre (et/ou à prendre des mesures d'urgence pour combattre les ravageurs). Le grenier moins gravement attaqué, en revanche, perd de sa valeur au bout de 5 à 6 mois de stockage et, même en l'absence de traitement, a une valeur supérieure en fin de campagne. Il est vrai que la courbe subit une fluctuation à cause de l'échantillonnage, mais il peut être intéressant pour l'agriculteur de conserver le surplus, tout au moins jusqu'à ce qu'il ait besoin d'argent. Il est clair, dans ce cas, que plusieurs hypothèses ont délibérément été formulées à titre de simplification et d'illustration. L'on peut y ajouter de la complexité au besoin, afin de traduire différents aspects de la situation réelle et en fonction des variables à étudier.
Echantillonnage
La mise en uvre réussie
d'un programme de PI passe souvent par l'élaboration d'un plan d'échantillonnage pour
les insectes nuisibles (Wearing, 1988). Les plans d'échantillonnage réservés aux
chercheurs sont généralement assez différents de ceux qu'un agriculteur pourrait
utiliser. Ce qui intéresse le plus la plupart des chercheurs, c'est d'obtenir une bonne
estimation de la densité des ravageurs et, étant donné qu'ils disposent généralement
des équipements et du temps nécessaires, d'atteindre les objectifs qu'ils se sont
fixés. Pour les agriculteurs, en revanche, les plans d'échantillonnage reposeraient sur
la nécessité de prendre une bonne décision concernant la mise en uvre ou non d'un
plan de protection potentiellement coûteux. Pour l'agriculteur, un bon plan
d'échantillonnage épi par épi auraient les caractéristiques suivantes: relativement
peu d'épis de maïs à retirer du grenier (en Afrique de l'Ouest, le maïs est
généralement stocké en épis et chaque épi a relativement beaucoup de valeur), peu de
règles strictes en matière de sélection des épis et pas besoin d'équipement spécial.
De plus, un bon plan ne devra être mis en uvre une ou deux fois avant qu'une
décision ne puisse être prise.
Avant de pouvoir raisonnablement proposer un quelconque plan d'échantillonnage à des
agents de vulgarisation ou à des paysans, il est nécessaire de déterminer deux types de
paramètres (pour de plus amples informations sur les concepts étudiés ici, voir Pedigo
& Buntin [1994]). L'un deux est le taux d'erreur du plan d'échantillonnage,
c'est-à-dire la probabilité de décider que les densités d'insectes sont suffisamment
hautes pour justifier une intervention alors qu'elles ne le sont pas, ou que les densités
sont basses et sans risque alors qu'en fait, elles sont trop hautes et qu'il conviendrait
d'agir. L'on accepte souvent des taux d'erreur relativement élevés, comme 0,1 par
exemple, pour les plans d'échantillonnage (Binns, 1994). Il conviendrait cependant
d'évaluer soigneusement toute hypothèse par rapport aux conditions économiques des
petits exploitants qui conservent du maïs et par rapport à leur perception du risque.
Nombreux sont les paysans qui comptent sur leur stock de céréales pour la subsistance de
leur foyer et qui ont peu d'alternatives ou de réserves financières pour rebondir en cas
de mauvaise décision concernant la gestion de leurs stocks.
Le second type de paramètre est le niveau de dégât économique (NDE), c'est-à-dire la
densité d'insectes à laquelle le coût des dégâts du ravageur dépasse le coût de la
stratégie d'intervention et une décision doit être prise (techniquement parlant, le
moment réel auquel une décision doit être prise en matière de lutte est appelé
seuil d'action et prévoit le décalage entre la mise en uvre et
l'effet). La décision elle-même comporte généralement un risque d'acheter et
d'appliquer inutilement des pesticides, par exemple, ou bien de perdre ultérieurement le
maïs parce que l'on a décidé de ne rien faire. C'est pour cela qu'il importe d'estimer
correctement le NDE. Le NDE et le seuil d'action sont des paramètres complexes qui
comprennent le prix du maïs au moment où il sera vendu, le coût du traitement par
rapport à la valeur des pertes occasionnées par l'insecte, le taux de recrutement de la
population du ravageur dans le grenier et d'autres facteurs. Le NDE est rarement connu ou
arrêté pour les ravageurs des cultures d'Afrique de l'Ouest, mais une analyse
économique permettrait de dresser une carte des indices de NDE à travers différentes
régions et pour différentes périodes de l'année.
Il existe deux types fondamentaux de plans d'échantillonnage pour les greniers à maïs
sur épis: les plans destructifs et les plans non destructifs (le maïs égrené est une
autre affaire). Les plans non destructifs, comme le fait d'examiner l'état extérieur du
grenier ou de sortir quelques épis pour les observer et les remettre dans le grenier,
présentent l'avantage d'être peu coûteux en épis de maïs. Examiner l'aspect du
grenier est relativement facile si les épis sont exposés comme dans un grenier
"awa", mais en présence de structures fermées, cela peut s'avérer plus ou
moins difficile selon la conception du grenier. Un autre avantage de l'échantillonnage
non destructifs réside dans son coût en matériel; puisque les épis de maïs
échantillonnés ne sont pas définitivement retirés du grenier, un même grenier peut
être évalué plusieurs fois uniquement au prix de la main-d'uvre. Il y a toutefois
quelques inconvénients. Pour prendre une décision fondée sur l'aspect d'un grenier,
l'aspect doit être quantifié et associé soit à la densité des coléoptères, soit aux
pertes en grain à l'intérieur du grenier. L'erreur liée à un paramètre quelconque de
l'apparence, tel le pourcentage d'épis montrant des signes d'attaque de coléoptères,
est difficile à estimer et les dégâts observés sont souvent difficiles à associer
avec certitude à une espèce particulière d'insecte. Etant donné que l'on n'examine que
l'aspect extérieur du maïs où l'on trouve rarement des ravageurs, les estimations de la
densité de population et des pertes en grain doivent être faites de façon indirecte, et
cela peut être une importante source d'erreur. Les S. zeamais ou S. cerealella
qui émergent, par exemple, peuvent endommager le maïs de façon similaire en apparence
aux galeries creusées par P. truncatus, mais la menace posée par chaque
espèce est tout à fait différente. Dans le cas d'une inspection épi par épi, l'erreur
globale peut être réduite en prélevant davantage d'échantillons, mais le nombre
d'épis supplémentaires requis peut être important.
L'échantillonnage destructif peut fournir des mesures directes de la densité des
insectes et des pertes en grain, mais seulement au prix des grains retirés du grenier. Il
présente l'avantage d'être beaucoup plus facile à évaluer et d'exiger moins d'épis
avant de pouvoir prendre une décision concernant une activité économique. Les
techniques de construction de plans d'échantillonnage par observation directe sont bien
connues; nous avons élaboré des plans d'échantillonnage séquentiel qui font recours
aux techniques déchantillonnage destructif dans les greniers ruraux (Meikle,
données non publiées). Avec les plans d'échantillonnage séquentiel, qui impliquent
l'échantillonnage d'épis individuels à la suite, il faut perpétuellement garder un
nombre total d'insectes en même temps que le nombre total d'épis échantillonnés. Si le
total perpétuel des insectes passe la limite supérieure (ou ligne d'arrêt),
elle-même déterminée en utilisant les taux d'erreur et le NDE, la densité est jugée
suffisamment élevée pour qu'une stratégie de lutte soit mise en uvre. De la même
manière, si, au cou cours de l'échantillonnage, le total tombe en dessous de la barre
inférieure, la densité du ravageur est jugée insuffisante pour représenter une menace.
En général, l'échantillonnage se poursuit jusqu'à ce que l'une des lignes d'arrêt
soit franchie. Même s'il n'est pas nécessaire pour un paysan ou un vulgarisateur de
comprendre les diverses hypothèses qui ont servi à produire les lignes d'arrêt, il est
indispensable d'identifier et de compter correctement les insectes.
Dans la pratique, il y a peu de chances que les paysans ou même les vulgarisateurs
adoptent les procédures d'échantillonnage séquentiel faisant recours aux techniques
destructives, tout au moins sous cette forme. Néanmoins, l'avantage principal de
l'élaboration des plans d'échantillonnage de manière aussi conventionnelle et
rigoureuse est peut-être le fait que cela nous oblige à analyser le système de
stockage, à définir les possibilités de gestion offertes au paysan ainsi que les
facteurs qui pourraient peser dans la programmation et la qualité d'une décision. Par
exemple, les études de P. truncatus en grenier ont généralement montré
que, même en cas d'infestations graves, les densités de population étaient rarement
décelables avant 2 ou 3 mois de stockage, alors qu'à ce stade, les pertes étaient
encore négligeables. Dans nos conditions locales, un plan d'échantillonnage pourrait
donc suggérer un échantillonnage intensif à 3 mois et, comme indiqué précédemment,
cela pourrait être le moment pour le paysan de décider s'il vend ses excédents et/ou
s'il prend des dispositions pour combattre les insectes nuisibles. Certaines expériences
acquises localement devraient permettre d'élaborer une procédure d'échantillonnage
simplifiée qui servirait à choisir l'option appropriée selon les circonstances.
Toutefois, les options et les stratégies déchantillonnage devront être mises au
point en tenant compte des conditions biologiques, climatiques et économiques qui
prévalent dans chaque région.
Un cadre GIS
L'approche GIS offre un nouvel instrument puissant qui permet d'examiner différents cas de figure en matière de gestion des ravageurs dans des contextes agro-écocologiques et socio-économiques bien précis. Il est possible de lier, grâce à la dynamique des ravageurs, le modèle économique d'un grenier à maïs rural à des modèles représentant les densités escomptées des insectes et mis au point dans un cadre GIS, ce qui reflète à la fois le milieu agro-climatique et l'environnement économique. Un environnement économique GIS pour le maïs consistera en une série de données spécifiques à la région, certaines données concernant les variables climatiques et d'autres représentant les différentes variétés de maïs disponibles dans une région donnée, de même que la valeur de chaque variété par rapport aux autres et, dans le maillure des cas, une mesure de leur sensibilité aux attaques des ravageurs des stocks. Dans notre exemple (ci-dessus), nous n'avons pris en compte que les prix du maïs sain et du maïs endommagé, mais des données plus élaborées pourraient être requises pour traduire la complexité des marchés (Magrath et al., 1996; Lutz, 1994). Un ensemble de données sur les prix pourrait inclure les prix du maïs sur différents marchés avec le temps, avec une interpolation spatiale à l'aide de moindres sommes des carrés. Une approche similaire est actuellement utilisée pour établir une carte d'indices de croissance démographique pour les ravageurs des produits stockés; cette carte servira à mesurer les dégâts potentiels en cas d'infestation. Un autre ensemble de données GIS pourrait inclure la densité des greniers à maïs ruraux dans chaque région, cette densité pouvant être estimée à partir de photographies aériennes ou d'enquêtes au sol. La densité des greniers est un facteur important dans l'évaluation des dégâts au niveau régional ou la gestion des interventions. Le piégeage des insectes, par exemple, peut révéler qu'une zone forestière donnée a une forte population de ravageurs, mais également une faible densité démographique humaine.
Conclusion
La synthèse de l'approche
modélisation et de l'approche GIS nous offre un cadre commun dans lequel intégrer notre
compréhension non seulement des processus biologiques qui surviennent dans un grenier à
céréales dans un régime agro-climatologique précis, mais aussi des facteurs
économiques qui interviennent dans un environnement politique donné. Cette approche
analytique holistique nous aidera à mettre au point de bons outils pour les décideurs
politiques, les chercheurs et les vulgarisateurs qui s'efforcent de promouvoir des options
viables de lutte contre les ravageurs pour une bonne gestion des greniers ruraux. Dans le
courant de l'année prochaine, nous espérons être en mesure i) de finir de relier les
modèles de population afin de disposer d'un modèle intégré pour la densité des
insectes et les pertes en grain dans l'écosystème du grenier; ii) d'établir, à l'aide
du modèle, des cartes de dégâts potentiels des ravageurs dans les systèmes de stockage
en vigueur en Afrique de l'Ouest. et iii) d'élargir les analyses de manière à inclure
les champignons pathogènes et les aspects économiques du grenier à céréales. Nous
sollicitons vivement la collaboration des partenaires de différentes régions d'Afrique
dans cet effort incessant.
Pour conclure, il convient de souligner que l'approche modélisation présentée ici ne
prétend en aucune manière se substituer à l'approche participative en milieu paysan. Au
contraire, les deux approches sont complémentaires et en véritable synergie. La
modélisation peut nous aider (les chercheurs et décideurs politiques en particulier) à
comprendre les processus biologiques et socio-économiques qui sous-tendent les
phénomènes observés dans certaines études. L'analyse de ces processus peut nous aider
à savoir quels facteurs sont spécifiques à certains sites et lesquels sont susceptibles
d'intervenir à plus grande échelle. Tout travail approfondi en milieu réel, que ce soit
dans le domaine de la recherche ou dans celui de la vulgarisation, exige beaucoup de temps
et de moyens. Les approches modélisation et GIS peuvent nous aider à cibler les efforts
sur les secteurs qui en ont le plus besoin et qui ont le plus de chances d'en tirer
profit.
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