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De façon générale, le terme "normes antipollution" recouvre tout un ensemble de paramètres, d'indicateurs ou de systèmes de classification permettant de contrôler les effets de projets sur l'environnement, de décrire la qualité du milieu naturel ou d'en analyser certaines composantes. Plus précisément, les "normes antipollution" sont
- des paramètres qui peuvent être utilisés pour la définition de valeurs limites ou seuils de pollution, de données de référence ou d'autres valeurs mesurables concernant les pollutions, ou
- ces mêmes valeurs limites, données de référence ou valeurs mesurables concernant certaines fonctions (seuils de tolérance, valeurs indicatives, données de référence, valeurs écotoxiques, etc.).
Les normes antipollution peuvent en principe s'appliquer à tous les éléments du système écologique, à savoir :
- Atmosphère (enveloppe essentiellement gazeuse entourant le globe terrestre)
- Pédosphère/Lithosphère (enveloppe terrestre ; partie solide de l'écorce terrestre/masses continentales)
- Hydrosphère (enveloppe liquide ; partie liquide de l'écorce terrestre)
- Biosphère (milieux terrestres propres au développement de la vie ; habitat de la faune et de la flore)
- Anthroposphère (cadre de vie de l'être humain).
De manière générale, les normes antipollution entrent en action au niveau des pollutions ou au niveau des utilisations par l'homme de composantes de l'environnement :
- Les normes concernant les dégagements/déversements de substances toxiques/bruit/chaleur et les utilisations de compartiments de l'environnement (interventions) se réfèrent aux effets directement induits par les projets évalués.
· Catégories d'interventions
1 Effluents : rejet d'eaux polluées et/ou chargées de substances toxiques dans les eaux de surface ou dans la nappe phréatique.
2 Chaleur d'échappement : élévation de la température des eaux superficielles et souterraines par des rejets d'eau chaude.
3 Emission : rejet dans l'atmosphère de substances gazeuses ou pulvérulentes ; émissions spécifiques telles que lumière, radioactivité et autres radiations électro-magnétiques.
4 Déchets : production et décharge de matières résiduelles, déblais, boues d'épuration, morts-terrains, etc.
5 Matières utiles et auxiliaires : épandage de substances chimiques dans l'environnement à titre d'interventions destinées à influer sur le milieu naturel (p.ex. produits phytosanitaires et engrais, sels, etc.).
6 Modification de l'utilisation des sols : modification de la couverture des sols et changement d'affectation de ceux-ci.
7 Déblais : destruction ou déplacement de la couverture biologique du sol.
8 Interventions modifiant le bilan hydrique : (gestion quantitative des ressources en eau) ; modifications délibérées du régime des eaux ou utilisations des ressources hydriques).
9 Interventions modifiant la géomorphologie : modification de la situation orographique (terrassements, remblais) ; atteintes à l'intégrité des sites naturels.
10 Pollution sonore : émissions de bruits (hors de locaux fermés).
· Critères de qualité de l'environnement
Les normes concernant la qualité de l'environnement se réfèrent aux éléments et fonctions de l'environnement directement concernés par des utilisations humaines.
1. Qualité de l'air : exigences concernant la pureté de l'air et d'autres paramètres, p.ex. seuils limites d'immission.
2. Situation climatique : exigences concernant en particulier le topoclimat.
3. Situation en matière de bruit : exigences relatives à la limitation du bruit.
4. Ressources hydriques : besoins en eau (aspect quantitatif).
5. Qualité de l'eau : exigences concernant l'état de pureté et de salubrité de l'eau / Absence de matières toxiques ou indésirables, micro-organismes et autres paramètres.
6. Qualité des sols : exigences concernant l'état et les propriétés (physiques, chimiques et biologiques) du sol.
7. Surfaces agricoles et forestières : exigences auxquelles doivent satisfaire les surfaces utiles pour la production de denrées alimentaires, de bois et autres biomasses.
8. Fonctions de biotope spéciales : exigences concernant des facteurs bio-écologiques (non traités aux points 1-6).
9. Qualité des produits alimentaires : exigences concernant l'absence de substances toxiques et d'agents pathogènes dans les produits alimentaires ainsi que la qualité nutritionnelle de ces produits.
10. Utilisations et fonctions spécifiques : exigences concernant des facteurs déterminés (non traités dans les points précédents), par exemple valeur de loisir et de détente, statut de zone protégée, protection des sites naturels.
· Bio-indicateurs
Dans le contexte de la réalisation d'études écologiques se
pose également la question de la valeur qu'il convient
d'accorder aux bio-indicateurs. Ce terme est utilisé pour
désigner des méthodes biologiques (par opposition aux méthodes
physico-chimiques) très diverses permettant d'évaluer la
situation écologique. Pour les écosystèmes aquatiques, des
bio-indicateurs sont utilisés à titre opérationnel et sont
désormais intégrés dans les ouvrages de référence pour la
définition des normes antipollution concernant l'eau. Pour ce
qui concerne l'évaluation des immissions ou pollutions
concernant d'autres compartiments de l'environnement, il existe
des méthodes plus ou moins standardisées selon les cas. De
manière générale, on peut dire cependant que leur mise en
oeuvre opérationnelle dans la pratique est encore très limitée
en Allemagne. Malgré tout, il y a lieu de s'attendre à un
développement de méthodes d'évaluation opérationnelles à
mesure que progressera la mise au point de systèmes de
bio-indicateurs adaptés aux exigences de la pratique.
Les bio-indicateurs impliquent des exigences particulières de
prise en compte des spécificités régionales en matière
d'étalonnage et de standardisation. Or, pour ce qui concerne
notamment les types d'écotopes rencontrés en milieu tropical,
un important travail de recherche, de développement et d'analyse
doit encore être accompli avant que les bio-indicateurs puissent
être jugés opérationnels, et a fortiori être utilisés comme
normes. En tout cas, il n'existe pas encore de liste de
bio-indicateurs pouvant être utilisée dans le cadre d'études
écologiques.
· Remarques concernant l'importance des normes
L'une des fonctions essentielles d'une étude visant à évaluer les incidences écologiques est, en premier lieu, de procéder à une identification neutre et objective des effets induits par un projet sur l'environnement ainsi que des modifications qui peuvent en résulter. Cependant, une telle étude ne peut être un outil de décision utile que si l'impact de ces effets et modifications a fait l'objet d'une évaluation. En définitive, les critères d'une telle évaluation se dégagent des exigences de l'homme face à son environnement, que celles-ci soient de nature physiologique, économique, éthique ou autres. Ces exigences trouvent notamment leur expression dans les objectifs du programme du gouvernement fédéral pour l'environnement, objectifs qui peuvent se résumer comme suit :
- protection de la santé et du bien-être face à des nuisances écologiques de nature anthropogène,
- préservation et amélioration de l'équilibre et de l'exploitabilité du milieu naturel,
- préservation de la diversité des espèces, des spécificités de la faune et de la flore ainsi que des sites naturels.
L'un des moyens pouvant être utilisés pour concrétiser et rendre opérationnels les objectifs et critères susmentionnés consiste à formuler des seuils de tolérance et valeurs de référence (dénommés ci-après "normes"). Dans le passé (et ceci restera sans doute aussi le cas dans l'avenir), chaque pays a suivi sa propre voie pour l'élaboration de telles normes, le résultat étant qu'il existe actuellement une profusion assez hétéroclite de valeurs limites et indicatives, de données de référence et d'orientation, toutes ces valeurs différant entre elles non seulement sur le plan quantitatif (écarts pouvant aller de 1 à 1000!), mais aussi en ce qui concerne les conditions de leur détermination, comme par exemple les méthodes de mesure utilisées, le cadre et les périodes de référence, les méthodes de calcul des moyennes, les taux de pollution préalables, le degré contraignant des normes, etc., tout ceci faisant que ces normes ne sont pratiquement pas comparables.
Cette hétérogénéité a son origine dans la difficulté qu'il y a à fixer des normes scientifiquement fondées et à assurer une coordination efficace entre les résultats scientifiques, les intérêts économiques et politiques, les techniques de mesure et de contrôle disponibles, le niveau technologique, etc., mais aussi dans le fait que chaque pays a une conception de base différente de la politique en matière d'environnement (celle-ci dépendant de l'urgence des problèmes au niveau régional, du niveau de prise de conscience des problèmes, de l'attitude dominante face à l'environnement, du système économique, des mécanismes de décision politiques, etc.).
Certains aspects du problème sont présentés ci-après, sous une forme succincte :
- à la lumière de l'exemple du cadmium, mise en évidence de la grande diversité des normes envisageables et de la différence qualitative fondamentale qui existe entre les normes concernant les émissions et celles relatives aux immissions,
- à la lumière de la stratégie dite 'protection de la qualité de l'air', mise en application concertée possible (nécessaire) de normes différentes en vue de la réalisation des objectifs de qualité,
- stratégies politiques possibles pour la détermination de normes concernant les émissions.
Valeurs limites pour des substances déterminées (ex. : cadmium)
Nous nous proposons ici, à l'exemple du métal lourd qu'est le cadmium, de mettre en lumière la grande diversité des normes envisageables, ceci même pour des matières polluantes assez aisément décelables. La figure a) présente un schéma très simplifié des trajectoires ("pathways") pouvant être empruntées par le cadmium avant d'atteindre le récepteur qu'est l'être humain. Chacune des flèches du schéma constitue la base d'un grand nombre de normes possibles. Cet exemple illustre bien que toutes les normes se référant à des éléments du milieu naturel situés en amont du récepteur jusqu'à la réception par ce dernier ont pour fonction de garantir le respect des normes concernant spécifiquement le récepteur. Par conséquent, elles découlent toutes des besoins et exigences du récepteur, lesquels à leur tour, chez l'homme par exemple, diffèrent parfois dans des proportions importantes d'un individu à l'autre (réceptivité plus ou moins prononcée!) et d'un pays à l'autre (par exemple habitudes alimentaires différentes). L'enchaînement des effets étant généralement mal connu, les normes définies sont d'autant moins fiables qu'elles sont "éloignées " du récepteur. Il s'ensuit que les normes concernant les émissions sont extrêmement aléatoires - beaucoup plus encore que les normes de qualité -, ce qui explique d'ailleurs qu'elles soient le plus souvent définies (par la force des choses) selon des critères n'ayant pratiquement aucun rapport avec les effets induits sur le récepteur.
Fig. a): Voies de contamination du cadmium pour l'être humain
Valeurs limites pour des polluants de l'air
Les systèmes ambitieux de protection de la qualité de l'air ("Air Quality Management") tels qu'ils existent par exemple aux Etats-Unis et en Allemagne mettent notamment en jeu (conjointement à d'autres mesures) plusieurs types de normes modulées les unes en fonction des autres, de manière à influer à différents niveaux sur des processus et mécanismes susceptibles d'entraîner des émissions et effets indésirables.
Ces normes tendent à limiter ou à réglementer
- la composition de substances pouvant, en cas d'utilisations conformes à leur vocation, donner lieu à des émissions ("valeurs limites concernant les produits"),
- la construction et le fonctionnement d'installations, parties d'installations, appareils dans une optique de minimisation des émissions ("valeurs limites concernant les équipements", angl. : "equipment standards"),
- l'émission dans l'atmosphère de substances polluantes grâce à des réglementations concernant les équipements et/ou les produits (valeurs limites concernant les émissions),
- la concentration dans l'atmosphère ou la condensation de substances polluantes ; indirectement, ceci permet de limiter l'absorption de matières polluantes et les effets nocifs sur des groupes déterminés d'accepteurs ("valeurs limites des immissions", angl. : "ambient air quality standards"). Les effets d'une certaine concentration de matières polluantes pouvant différer d'un groupe d'accepteurs à l'autre, il peut exister des valeurs limites différentes pour une seule et même substance.
Stratégies politiques pour la définition des valeurs limites
La définition de normes concernant les émissions toxiques peut être effectuée selon des stratégies très différentes, débouchant sur des normes très hétérogènes pour des effets identiques environnementaux ainsi que sur des résultats très variés concernant la qualité de l'environnement :
· Selon les meilleures technologies disponibles
La définition de normes s'effectue selon l'état de l'art, soit en fonction du niveau de développement technologique. Cette stratégie préconise une protection optimale de l'environnement avec mise en oeuvre des technologies de pointe dans ce domaine. Ainsi par exemple, l'amélioration de la qualité de l'eau doit s'appuyer sur les innovations technologiques les plus récentes, et il n'est pas tenu compte de facteurs tels que la toxicité relative des agents polluants, les différentes voies de distribution des substances polluantes, l'efficience de l'émissaire, etc.
Aux Etats-Unis par exemple, des normes ont été définies selon cette stratégie pour les pollueurs industriels :)
- Installations construites après 1977 : "Best practicable control technology currently available"
- Installations construites après 1983 : "Best available technology economically achievable"
- Sources récentes : "Best available demonstrated technology".
Greenwood, D.R. & coll. (1983): A Handbook of Key Federal Regulations and Criteria for Multimedia Environmental Control. Research Triangle Kust., Research Triangle Park, W.C.
· Normes nationales concernant les émissions
Ces normes définissent des seuils de tolérance pour les concentrations admissibles par exemple dans les effluents, ceci indépendamment du lieu de déversement.
Les normes sont habituellement basées sur le "potentiel de pollution" des entités polluantes et/ou sur l'efficacité des technologies reconnues ou communément utilisées. Les avantages de ce type de normes sont la facilité de contrôle et de gestion ainsi que les coûts comparativement modérés du contrôle des pollutions.
L'inconvénient est que la charge polluante et le lieu de décharge ou encore l'efficience et le taux de pollution préalable des eaux de surface ne sont pas pris en ligne de compte.
Des normes nationales applicables aux agents pollueurs peuvent se traduire par une totale surcharge de certains émissaires alors que la capacité naturelle d'auto-épuration demeure inexploitée pour d'autres.
De telles normes existent sous forme de dispositions juridiques ou de simples directives ; p.ex. Singapour (Trade Effluent Regulations, 1976, Water Pollution Control and Drainage Act, 1975).
· Normes locales concernant les émissions
Cette méthode consiste à définir des normes en fonction des conditions locales (lesquelles ne sont pas nécessairement des facteurs écologiques), dans le but d'obtenir un certain niveau de qualité de l'eau.
Avantages : ces normes peuvent être actualisées en fonction des connaissances et technologies de pointe ; un niveau plus élevé que celui correspondant à l'objectif de qualité est exigé des agents pollueurs.
Les conditions géo-écologiques et les conditions requises de l'environnement sont plus fortement prises en compte que dans toute autre méthode, raison pour laquelle ce type de normes est considéré comme plus intéressant que les deux autres méthodes susmentionnées.
Inconvénients : le contrôle et la gestion sont plus difficiles, car des normes différentes peuvent exister d'une entreprise à l'autre. On assiste parfois à d'importantes distorsions des conditions de concurrence. Des normes de ce type existent notamment en Grande-Bretagne.
Les écarts quantitatifs qui existent entre les normes ne s'expliquent pas seulement par des stratégies différentes. De tels écarts peuvent également avoir leur origine dans le choix des méthodes de mesure et de diffusion des résultats, ou dans les propriétés statistiques des valeurs limites (valeurs moyennes, valeurs maximales, pourcentages), ou être fonction de l'endroit où sont effectuées les mesures, etc.
Tous les types de normes ont par ailleurs en commun le fait que leur respect doit faire l'objet d'une surveillance ; l'existence de normes n'a de sens qu'à condition de vérifier si la situation réelle se situe en-deçà ou au-delà des seuils fixés et de quelle ampleur est l'écart par rapport aux normes. Notons que le résultat du contrôle dépend de façon décisive de la nature du système de surveillance ; des systèmes de surveillance différents peuvent, en effet, se traduire par la définition de normes très variées pour des situations réelles parfaitement identiques.
Il s'ensuit que normes et système de surveillance sont très étroitement liés. L'interaction est même telle que la définition des principes de la surveillance doit absolument faire partie du travail d'élaboration d'une norme.
Cependant, même lorsque les normes concernant une substance déterminée sont identiques dans deux pays différents et définis avec la même précision, cela ne signifie pas pour autant que les normes ont la même signification dans le cadre par exemple de la stratégie d'assainissement de l'air des deux pays. Il convient aussi de se demander ce qui se passe en cas de dépassement des seuils de pollution ; ceci est en effet significatif de la philosophie qui sous-tend les normes et la politique d'assainissement de l'air en général. Par exemple, dans le cas extrême où rien ne se passe dans un pays tandis qu'une entreprise est fermée dans un autre, il est évident que les seuils de pollution, bien que de valeur parfaitement identique, ont des implications tout à fait différentes sur la définition des activités de surveillance. Il serait donc tout à fait erroné de conclure qu'un pays ayant un seuil de tolérance relativement bas pour le SO2 poursuit une politique de maintien de la pureté de l'air plus rigoureuse qu'un autre dont la valeur limite est plus élevée, aussi longtemps que tous les aspects de la définition des valeurs limites de pollution ne sont pas connus et pris en compte.
De ce qui vient d'être dit se dégagent les conséquences ci-après pour l'interprétation et l'utilisation de normes :
1. Il existe une quantité incalculable de normes. Il n'est donc ni possible ni opportun de réaliser un inventaire exhaustif de toutes les normes existantes. Un tel inventaire aurait l'ampleur d'une petite bibliothèque, sans permettre pour autant d'avancer de façon significative vers la réalisation de l'objectif visé. En fait, un travail de compilation à la fois possible et utile ne peut être qu'un condensé plus ou moins arbitraire d'un tel inventaire.
2. Les différentes normes ne sont pas uniquement constituées de valeurs chiffrées, et leur définition implique aussi la fourniture d'un grand nombre d'informations et de commentaires. La réalisation d'une étude comparative des normes existant dans les différents pays demande beaucoup de précaution et de compétence, et exige un travail d'une grande ampleur. L'analyse et l'interprétation des différentes normes existantes ne peuvent donc pas être effectuées selon des critères rigoureusement scientifiques, mais de-mandent avant tout des compétences d'évaluation et d'interprétation, ceci d'autant que les motivations ayant présidé à l'élaboration de certaines normes ne transparaissent pas dans les documents habituellement disponibles ou ne peuvent être identifiées qu'au moyen de méthodes relevant de la criminalistique.
Ceci est vrai en particulier pour
- la justification des normes et l'appréciation de leur validité (c'est-à-dire de leur bien-fondé objectif) ainsi que de leur reproductibilité dans d'autres pays,
- l'analyse statistique des normes souvent très variées concernant une substance polluante particulière,
- la recommandation de mise en vigueur de normes.
Une classification des normes en fonction de leur "qualité" (terme impliquant les notions d'adéquation, d'opportunité et de fiabilité) est donc pratiquement impossible pour les raisons exposées ci-dessus.
3. Les normes compilées et leur analyse ne disent pas si et dans quelle mesure les conditions géo-écologiques régionales ont joué un rôle déterminant dans leur définition. Force est d'observer au contraire que des pays ayant un contexte écologique précaire utilisent souvent des valeurs limites plus élevées (donc moins sévères) que des pays dont le cadre naturel est moins fragilisé. Certains indices semblent indiquer que l'état de l'environnement joue un rôle essentiel dans la définition des normes : une mauvaise situation écologique incite à définir des valeurs limites élevées, pour la simple raison que des normes plus rigoureuses seraient inapplicables ou ne pourraient être appliquées qu'au prix de coûts inacceptables. Les pays n'ayant pas d'industrie chimique ou de mécanismes de contrôle performants ont des normes plus sévères car leur respect peut être assuré sans problème ou ne fait l'objet d'aucun contrôle.
4. D'un point de vue purement scientifique, les normes antipollution ne doivent jamais être considérées comme des seuils en dessous desquels des effets négatifs sont inexistants, mais dont le dépassement entraînerait des effets désastreux. Dans le meilleur des cas, toute valeur limite ne représente qu'un point (souvent choisi de façon assez arbitraire et fonction de nombreux facteurs non objectivables et souvent sans rapport avec l'écologie) dans les relations fonctionnelles (généralement inconnues) existant entre les implications écologiques ou l'état de l'environnement d'une part, et les pollutions occasionnées de l'autre. L'utilisation de valeurs limites comme critères de décision absolus dans les domaines administratif et juridique (par exemple dans le cadre des procédures d'autorisation relevant de la législation industrielle ou encore d'actions en dommages et intérêts) ne constitue pas un indice et encore moins un fondement de leur "adéquation" ou de leur bien-fondé au vu de critères scientifiques. Les normes non directement liées aux récepteurs, et notamment celles concernant les émissions, ne peuvent avoir que valeur d'orientation, c'est-à-dire permettre d'éliminer des investigations ultérieures les aspects manifestement insignifiants (les normes se rapportant aux concentrations et non aux charges polluantes sont là aussi absolument inappropriées).
L'utilisation de normes sans prise en compte explicite de toutes les conditions marginales limitant leur validité expose au risque de prises de décisions erronées.
La nécessité fréquente de faire un choix entre des objectifs écologiques concurrents (p.ex. émissions ou décharge d'effluents) ainsi qu'entre ces objectifs écologiques et des objectifs économiques implique le recours à des critères d'évaluation plus différenciés que ne peuvent l'être de simples normes.
5. Les normes quantitatives (et donc en principe mesurables et objectives) sont jusqu'ici essentiellement utilisées pour évaluer les concentrations de substances polluantes dans les divers compartiments de l'environnement. Les effets particulièrement graves des aménagements effectués par l'homme avec toutes les répercussions que ceci peut avoir sur les ressources exploitables (et donc sur les bases économiques) ainsi que sur la faune et la flore ne sont pas appréhendés par ce type de normes.
En conclusion, on peut dire qu'en l'état actuel du débat scientifique et de l'élaboration de normes antipollution, ces dernières peuvent tout au plus être considérées comme un outil à utiliser avec la plus grande prudence dans le cadre d'investigations écologiques. La décision de réaliser un projet ne doit en aucun cas dépendre uniquement de l'observation ou de la non-observation de telles normes.
Il est cependant indéniable que les normes antipollution constituent un outil indispensable pour l'évaluation des implications écologiques de mesures et de projets.