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Installation de l'hypolactasie de type adulte

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Evanescence de la consommation de lait. Chez le nourrisson, c'est le composant protéique qui est le plus susceptible d'entraver la consommation de lait animal en raison du risque (de 1 à 10 pour cent des sujets suivant les publications) d'allergie aux protéines du lait de vache. C'est le composant glucidique qui limite le plus la consommation de lait aux âges ultérieurs (Delmont, 1983). L'activité intestinale lactasique (ß-galactosidase, qui est une disaccharidase de la bordure en brosse intestinale au sommet des villosités digestives et qui hydrolyse le lactose en glucose et galactose) de la majorité des individus diminue avec le temps (figure 22). Cette évolution est sous contrôle génétique. Certains sujets (les moins nombreux) conservent cette capacité enzymatique toute leur vie (voir tableaux 67 et 68). Pour les autres populations, cette activité disaccharidasique diminue inexorablement, mais sans disparaître complètement. Le moment et la vitesse de disparition de l'activité varient (figure 22). Les facteurs qui conditionnent ces changements chez l'homme ne sont pas connus, mais diffèrent, toutefois, en bien des points de ce qui a pu être établi avec certitude chez l'animal, chez les petits mammifères notamment.

Dans l'espèce humaine, l'effet inducteur du lactose sur son enzyme clivant n'a jamais pu être démontré: ce n'est donc pas l'abandon de la consommation du lait qui conditionne la disparition lactasique, mais plutôt l'inverse. Lorsque le lactose n'est plus digéré (de fait ni hydrolysé ni absorbé), des symptômes surviennent: le lactose resté intact dans la lumière intestinale induit par effet osmotique une augmentation du transit digestif accompagnée de crampes et d'une diarrhée aqueuse souvent acide avec des selles contenant des sucres réducteurs.

FIGURE 22 Incidence de la lactose-tolérance dans divers groupes ethniques vivant aux Etats-Unis

Dans le colon, la fermentation microbienne du disaccharide mal absorbé provoque la formation de substances volatiles, cause de ballonnement et d'émissions de gaz. Lorsque cette flore de récupération des glucides est en outre productrice d'hydrogène, ce gaz apparaît dans l'air expiré (mesure de l'hydrogène expiré). L'inconfort abdominal, voire l'intolérance digestive, n'incite plus le sujet devenu hypolactasique à continuer de boire du lait. Il semble bien que les ennuis de l'intolérance aboutissent à l'abandon de la prise de lait. Ce moment survient chez le sujet génétiquement prédisposé entre 5 et 15 ans (figure 22). Un épisode de gastro-entérite grave, un état de malnutrition chronique semblent précipiter la survenue de cet état. Lorsque le lactose n'est plus toléré (500 ml de lait de vache équivalent à environ 25 g de lactose, soit une prise de l'ordre de 1,0 + 0,2 g/kg/jour pour un enfant dont le poids est compris entre 18 et 35 kg), d'autres aliments appauvris en lactose peuvent continuer de l'être.

TABLEAU 67 Incidence de l'intolérance au lactose dans divers groupes de la population américaine et australienne

Pays Indiens natifs Esquimaux Originaires d'Europe Originaires d'Afrique Originaires d'Asie Indiens déplacés.
Continent américain
Canada 31-57 24-30 12-37 - - -
  (54) (40) (32)      
USA 120-147 29-36 33-235 99-143 68-73 160-303
  (82) (81) (14) (69) (93) (53)
Mexique 309-401 -        
  (77)          
Brésil - - 18-24 19-20 20-20 -
  -   (75) (95) (100)  
Chili 36-64 - - 136- 195 - -
  (56)     (70)    
Océanie
Australie 38-45 - 12-82 - 89-97 -
  (84)   (15)   (92)  

Note: Les chiffres entre parenthèse indiquent les pourcentages. Source: Scrimshaw et Murray, 1988.

Introduction alimentaire de substituts laitiers: laitages de substitution. Les travaux réalisés à ce jour ont principalement porté sur l'étude du yaourt, utilisé empiriquement par les pédiatres. La mesure de l'hydrogène expiré a permis une approche chiffrée et plus objective de l'intolérance au lactose en réponse à la consommation de divers produits laitiers. Ces travaux montrent chez les sujets cliniquement intolérants qu'à quantités égales de lactose ingéré, le lait ou le lactose entraînent dans les heures qui suivent une élimination importante et comparable d'hydrogène, à la différence du yaourt. Il est important de noter que la faible élimination respiratoire d'hydrogène observée avec le yaourt va de pair avec une quasi-disparition des symptômes cliniques d'intolérance, alors que ces signes se manifestent lors de l'ingestion du lait ou du lactose. Cet effet du yaourt disparaît, au moins en partie, lorsque celui-ci a été préalablement chauffé.

TABLEAU 68 Incidence de l'intolérance au lactose dans divers pays d'Europe, d'Afrique et d'Asie

Pays Nombres Pourcentages
Europe du nord
Groenland (Esquimaux) 120-219 55
Danemark (Esquimaux) 37-51 73
Finlande 51-290 18
Suède 7-91 8
Irlande 2-50 4
Allemagne 268-1805 15
Autriche 1 06-528 20
Hongrie 198-535 37
Pourtour méditerranéen
Italie (du sud) 116-180 64
Grèce 479-700 68
Liban 58-78 74
Jordanie 1 54-204 76
Egypte 414-570 73
Afrique noire
Soudan 210-282 74
Nigéria 67-83 81
Zambie 25-26 96
Zaïre 65-86 76
Afrique du sud 165-197 84
Asie
Inde (nord) 27-95 2 870
Inde (sud) 146-210 70
Ceylan 145-210 100
Thaïlande 21 5-21 5 100
Japon 35-35 75
Corée 226-300  

Source: Scrimshaw et Murray, 1988

La thermisation du yaourt est utilisée dans certains pays: en tuant les germes, la conservation peut se faire hors chaîne du froid. Cependant, dans le cas du yaourt obtenu en poudre par séchage à une température inférieure à 60 °C, la tolérance est conservée. Ces faits ont été établis chez des enfants gabonais intolérants après une charge de 10,5 g de lactose contenus dans la poudre de lait ou de yaourt reconstitués (Gendrel et al.,1990). L'absence ou la très faible production d'hydrogène observée après l'ingestion de yaourt chez des sujets intolérants signifie que le lactose n'atteint vraisemblablement pas le colon. Les mécanismes en cause restent mal connus. L'activité lactasique de la flore du yaourt (ß-galactosidase) joue certainement un rôle.

Un autre effet physiologique important est le ralentissement du transit intestinal observé avec le yaourt par rapport au lait. Ce ralentissement peut contribuer à la meilleure digestion du lactose. Diverses préparations de laits fermentés ont été essayées sur des sujets intolérants au lactose. Le yaourt paraît le mieux supporté du fait de la présence de Lactobacillus bulgaricus (producteur de 13-galactosidase3. Le lait fermenté par L. acidophilus a des effets variables, cela étant dû sans doute à d'importantes différences de production enzymatique entre les souches.

Consommation du lait et importance alimentaire chez l'adulte sain

Il faut distinguer deux aspects de la consommation courante de lait ou de produits laitiers: l'adulte les consomme de façon consciente (yaourt, fromages) mais aussi sans le savoir (des sous-dérivés ou des composants du lait sont incorporés très fréquemment dans les préparations industrielles). Les quantités restent faibles, mais suffisantes pour nuire au sujet allergique, par exemple. L'industrie agro-alimentaire utilise volontiers des dérivés du lait, en raison de leurs bonnes qualités technologiques et de leurs faibles coûts. Les lécithines de lait entrent dans la composition de la plupart des margarines végétales, le lactosérum est ajouté dans des conserves et des charcuteries, du lait entier fait rarement défaut dans les biscuits.

La consommation de produits laitiers peut être appréciée en se basant sur des chiffres de production à l'échelle des pays (OCDE, 1991). Connaissant les quantités exportées, il est possible de calculer en chiffres bruts (ne tenant pas compte des pertes, avaries, invendus) les volumes ou les quantités de laits sous leurs différentes formes et de produits laitiers restés théoriquement à disposition des populations. L'OCDE ne fournit des données que pour les pays industrialisés (tableau 69). Au chapitre 3, il est indiqué que la FAO cherche à établir des données similaires pour l'ensemble des pays, tout en sachant que la valeur de l'outil statistique n'est pas la même dans tous les pays (voir tableau 39, p. 92).

Le lait et ses dérivés sont consommés en grandes quantités dans les pays industrialisés (Europe, Amérique du Nord, Australie), à l'exception sans doute du Japon. Dans ces pays, les laitages représentent une part importante (30 à 50 pour cent) de l'apport protéique total, lui-même déjà excédentaire. Dans les pays en développement, la situation est presque exactement inverse. La part de produits animaux (viandes, poissons, œufs, laitages) est de toute manière faible et les produits laitiers ne constituent qu'une proportion négligeable dans la consommation protéique (de 10 à 15 pour cent) (figure 23).

Importance nutritionnelle des produits laitiers chez l'adulte sain

Dans la mesure où la plupart des adultes ne consomment que peu de lait, ce sont plutôt les produits laitiers qui seront envisagés ici, même si fondamentalement la différence de composition est minime et ne porte que sur le lactose.

Le lait et le yaourt se différencient par leur influence sur le cholestérol sanguin: celui-ci diminue, selon certains auteurs, de 5 à 10 pour cent lorsque le yaourt remplace la quantité équivalente du lait antérieurement consommé Cet effet est le plus marqué chez les sujets dont le taux de cholestérolémie initial est le plus élevé; il peut aussi varier selon la souche de ferment du yaourt Des effets protecteurs du yaourt vis-à-vis de certains risques cancérigènes ont été aussi suggérés. En outre, la stimulation des défenses de l'organisme semble être un effet imputable à certains composants du yaourt. du moins non thermisé.

Certains laits fermentés traditionnels présentent des interéts nutritionelles propres. Ces laits ne sont pas toujours des laits de vache; ils contiennent souvent des ferments actifs en très grand nombre, ce qui en limite la consommation. Le kéfir et le koumis (voir chapitre 5) contiennent de l'alcool .

TABLEAU 69 Disponibilité en produits laitiers dans différents pays industrialisés en 1987 (ou années antérieures)

Pays

Aliments (g/jour)

Valeur nutritive totale ( beurre exclu)
  Lait frais entier Lait frais écrémé Lait en poudre entier Lait en poudre écrémé Lait concentré entier Lait concentré écrémé Fromage Beurre Energie/jour(kcal) Protéines/jour (g)
Autriche 374,4 30,0 1,4 1,1 5,8 ? 21,3 14,4 409,8 26,8
Allemagne' 190,1 63,0 4,6 1,1 14,8 - 43,9 22,9 344,47 26,5
Belgique-Luxembourg 237,3 92,4 6,1 2.7 2,4 ? 33,6 22,7 364,8 26,6
Danemark 396,3 193,3 1,6 0,5 - ? 34,7 29,9 461,2 33,2
Espagne 271,8 ? 0,8 1,3 3,4 ? 12,2 1,1 236,4 15,0
Finlande 573,3 364,5 - 10,0 ? ? 31,6 19,9 658,4 47,5
France 230,9 131,4 1,5 3,6 2,1 - 59.9 24,0 428,7 35,0
Irlande 732,5 162,4 - 0,8 - ? 11,6 19,4 585,1 35,8
Italie 201,7 37,5 1,3 - 0,4 ? 40,7 6,9 302,1 23,3
Norvège 864,7 83,9 0,7 2,6 6,5 ? 35,1 10,4 558,5 37,2
Pays-Bas 302,5 190,9 7,8 1,5 27,5 - 37,7 9,6 471,2 34,1
Portugal 133,4 ? 1.3 2.7 0,3 ? 13,3 2,7 146,8 10,3
Suède 420,5 243,5 1.9 7.5 ? 3,6 44,2 14,9 565.2 42,0
Suisse 468,9 112,1 3,3 1,2 2,1 ? 41.9 17,7 514,8 36,1
Royaume-Uni 374,2 56,7 3,3 5,6 7,8 ? 20,1 13,8 367.2 24,3
Australie 442,0 ? 5,8 8.1 4,6 3,0 5,8 10,8 440,5 28,5
Canada 229,5 135,2 1,2 5,5 5,4 0,8 24,0 10,5 318,9 23,8
Japon 104,0 - 0,7 3,9 1,1 0,3 3,0 2,0 98,1 6,4
Nouvelle-Zélande 372,2 - 3,3 8,3 2,5 ? 23,9 31,4 372,9 25,2
Turquie 134,5 96,4 0,3 ? ? ? 10,2 5,9 161,1 11,7
Etats Unis 345,3 ? 0,8 3,3 4,3 5,0 29,5 5,5 360,4 24,2
Grèce 207,4 ? 3,0 0,6 28.5 ? 61,9 4,4 400,5 30,8

Notes:
- = quantité nulle ou insignifiante
? = pas de données.
1 Les données relatives à l Allemagne se rapportent à l'ex-RFA.

Source: OCDE.1991.

FIGURE 23 Consommations moyennes de protéines totales et de protéines végétales dans différents pays

Tout comme le yaourt, ces produits démontrent de multiples vertus (amélioration de la digestibilité des protéines du lait, effet thérapeutique sur la diarrhée infectieuse, réduction de la cholestérolémie, ainsi que digestibilité accrue du lactose).

La consommation alimentaire du sujet moyen dans les pays industrialisés (hormis le Japon) assure à peu près ses besoins calciques. Un apport similaire est loin d'être possible dans les pays en développement. Divers auteurs attribuent au calcium présent dans certains végétaux des qualités nutritives remarquables, capables de suppléer l'insuffisance de calcium animal dans l'alimentation traditionnelle. D'autres auteurs contestent ce point de vue. Le lait et les laitages peuvent aussi contribuer à l'apport vitaminique et, dans les pays industrialisés, la couverture en vitamines liposolubles est surtout tributaire de la consommation de beurre. Le lait constitue, en outre, une source de vitamines B (une consommation quotidienne d'un litre de lait couvre les besoins en vitamine B de l'adulte)


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