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Chapitre VIII - Lutte contre les rongeurs
8.1.
Les rongeurs
8.2. Lutte contre les rongeurs
Tout comme les insectes, les rongeurs sont des ravageurs des stocks. Ils provoquent des pertes au cours du stockage, non seulement en consommant le produit, mais aussi en le souillant de leurs déchets. Ils peuvent également endommager les structures de stockage, les sacs... Il est important de les combattre dans un but économique mais également dans un but sanitaire, car ces mammifères sont souvent les vecteurs de maladies. Comme nous le verrons, il existe des moyens de les combattre, toutefois leur mise en uvre est toujours délicate, elle exige une connaissance précise de la biologie de l'animal et peut être dangereuse pour les personnes et les animaux domestiques. Chaque fois que cela est possible, il est plus efficace et moins onéreux de prévenir les dégradations que de les combattre.
8.1.1.
Principales espèces
8.1.2. Dégâts causés par les rongeurs
Il existe de très nombreuses espèces de rongeurs dont certaines vivent en symbiose avec l'homme. C'est le cas notamment des rats et des souris appartenant à la famille des Muridès. Les espèces les plus courantes sont le rat gris Rattus norvegicus, le rat noir Rattus rattus et la souris Mus musculus qui ont un régime omnivore.
En Afrique, le rat de Gambie peut également se rencontrer au niveau des villes et des villages et le rat roussard (Arvi cauthis) surtout au niveau des villages et des champs.
La principale caractéristique des rongeurs est d'avoir des incisives tranchantes à croissance continue ce qui oblige l'animal à les user en rongeant toutes sortes de matériaux.
8.1.1.1. Rat gris Rattus norvegicus
Appelé également surmulot ou rat d'égout, ce gros rat gris, originaire d'Asie, se rencontre aujourd'hui sous toutes les latitudes grâce à sa grande faculté d'adaptation.
Le rat gris mesure de 20 à 25 cm et pèse environ 350 g. Le corps est trapu, le museau court, les oreilles petites, la queue est plus courte que la tète et le corps.
Cet animal agressif vit en colonies, il aime les lieux humides (bords de ruisseaux ou rivières, caves, égouts). Il se déplace en suivant des pistes qui peuvent être reconnues aux dépôts graisseux qu'il laisse par frottement sur les herbes, le sol, les murs, etc. On peut également reconnaître ce rat à ses excréments, les fèces sont ovales, en forme de noyau d'olive.
Fig. 236: Le rat gris. (Doc. CNCATA.)
8.1.1.2. Rat noir Rattus rattus
Appelé également rat des greniers ou rat d'Alexandrie.
Originaire d'Extrême-Orient, il a également envahi tout le globe grâce, en partie, aux trafics commerciaux. (Toute denrée débarquée dans un port apporte avec elle sa cargaison de rats). Il est très fréquent en Afrique. Partout où il est en concurrence avec le rat gris, il recule. Il niche dans les parties élevées des habitations, des greniers, des magasins. C'est un rat «acrobate».
Fig. 237: Le rat noir. (Doc. CNCATA.)
Plus petit que le rat gris il mesure de 15 à 20 cm et pèse environ 250 g. Le corps est plus fin, le museau pointu, les oreilles grandes et minces, la queue plus longue que le corps et la tête. Ses excréments sont également caractéristiques: les fèces sont allongées, terminées par une pointe.
8.1.1.3. Souris Mus musculus
C'est un animal de petite taille (6 à 10 cm) très connue des hommes car elle vit surtout dans les zones habitées. Elle est le commensal le plus fidèle de l'homme. Elle se nourrit des aliments de l'homme mais peut attaquer beaucoup de produits: papier, plâtre, savon... Elle vit en groupe et contrairement aux rats, elle a des moeurs très vagabondes, ce qui la rend plus difficile à combattre.
Fig. 238: La souris. (Doc. CNCATA.)
8.1.2. Dégâts causés par les rongeurs
Les rongeurs peuvent occasionner d'importants dégâts sur les récoltes sur pied, mais également dans les stocks. Les stocks de céréales constituant des réserves importantes de nourriture sur un espace réduit représentent un milieu favorable à leur développement. En effet la présence de nourriture est le premier facteur conditionnant l'installation d'une colonie de rats.
Les rongeurs vont consommer le grain et c'est surtout au niveau du village (greniers) que les pertes seront sensibles et visibles. Des études réalisées en Inde en 1976 ont montré que dans des greniers villageois tressés, contenant du paddy, si après six mois de stockage la perte en poids totale était de 6,2 %, la part due aux rongeurs était de 3,1 % (contre 2,3 % pour les insectes). Ce même rapport était observé pour le paddy stocké en sacs. Dans les grands centres de stockage; les pertes sont souvent moins importantes. Ceci doit cependant être nuancé car un magasin de sacs sera plus vulnérable qu'un silo vrac. De plus, dans les grands centres, les rongeurs peuvent occasionner des dégâts matériels: conduites de plomb percées, fils électriques rongés pouvant provoquer des courts-circuits, sacs rongés entraînant l'écoulement du produit, et parfois l'écroulement des tas dans les magasins.
Enfin les rongeurs vont déprécier les denrées par les souillures qu'ils y déposent (urines, fèces, dépôts graisseux) et les risques sanitaires afférents.
RÉCAPITULATION DES PRINCIPAUX RONGEURS DES STOCKS
Nom |
Ratus norvegicus Surmulot |
Rattus rattus Rat noir |
Mus musculus Souris |
Poids moyen |
330 g |
250 g |
16 g |
Queue |
Plus courte que la tête et le corps | Plus longue que la tête et le corps | Plus longue que la tête et le corps |
Oreilles |
Épaisses, opaques, à poils fins | Minces, translucides, grandes, sans poils | Grandes avec quelques poils |
Museau |
Court | Pointu | Pointu |
Couleur |
Gris brun, parfois noir avec ventre gris | Gris, noir, brun ou roux, parfois avec ventre blanc | Variable, gris brunâtre |
Excréments |
Groupés, mais parfois | Éparpillés, en forme | Éparpillés, minces et |
éparpillés, fuselés ou ellipsoïdaux | de saucisses ou ba- en forme de fuseaux nanes | ||
Murs |
Fait des terriers, peut grimper, bien nager, manifeste une réaction devant les objets nouveaux, peut vivre dans les égouts, habitudes assez conservatrices | Fait des terriers, grimpeur agile, réagit à des objets nouveaux, habitudes assez vagabondes | Fait parfois des terriers, bon grimpeur, ne réagit pas beau coup devant les ob jets nouveaux, ha bitudes assez vaga bondes |
Localisation |
Ne se trouve que dans les ports et dans certaines grandes villes de l'intérieur | Se rencontre dans l'ensemble de l'Afrique | Dans la majorité des villes qui se sont développées récemment |
8.2. Lutte contre les rongeurs
8.2.1.
Lutte préventive
8.2.2.
Lutte curative
Comme pour les insectes, la lutte contre les rongeurs passe avant tout par l'observation de différents principes de lutte préventive.
Elle consiste à créer un biotope défavorable aux rongeurs.
8.2.1.1. Principes de construction
A partir des constatations suivantes:
- les rats peuvent grimper sur les murs rugueux (mais pas sur
les murs lisses),
- verticalement ils ne peuvent pas franchir une plaque
métallique lisse de 30 cm (d'où l'intérêt des cônes ou
bandes de protection le long des conduites),
- ils ne sautent pas à plus de 75 cm de hauteur,
- dans la nature, ils ne creusent pas à plus de 40 cm,
- ils ne peuvent pas traverser un grillage à mailles de 1 cm,
- ils ne traversent pas une couche de béton compacte de plus de
10 cm,
- ils attaquent les conduites en plomb, en étain, en plastique.
On pourra prévoir des constructions adéquates qui constitueront des barrières qu'ils ne peuvent franchir.
Les fondations des bâtiments pourront être pourvues de maçonneries protectrices s'enfonçant d'au moins 60 cm dans le sol avec un retour de 30 cm vers l'extérieur. Cependant si le sol des bâtiments est constitué d'une dalle en béton, cette mesure n'a plus d'intérêt.
Les principaux points d'entrée à protéger dans les bâtiments sont les portes, les fenêtres, les ouvertures d'aération, les jours entre le sommet des murs et le toit, les orifices de ventilation et les câbles qui arrivent aux bâtiments.
- Portes
Les portes coulissantes laissent souvent passer les rongeurs. Il faudra prévoir des plaques métalliques de 1 m de hauteur pour obturer le jour entre la porte et le mur.
Les portes à battants, assurent, elles, une protection quasi parfaite si elles sont bien ajustées.
Dans tous les cas les portes métalliques sont nettement préférables aux portes en bois.
- Fenêtres, ouvertures d'aération, ventilateurs doivent être protégés par des grilles en métal déployé de maille 6 à 10 mm.
- Câbles, gouttières, piliers seront protégés par des collerettes ou des cylindres de tôle.
Sur les gouttières, la forme des collerettes doit être un tronc de cône ouvert vers le bas, mesurant 30 cm de hauteur au moins et s'écartant au moins de 22 cm de la gouttière à la base. Le sommet doit être ajusté au diamètre de la gouttière et les côtés solidaires du mur. Ces obstacles devront être placés à une hauteur minimale de 80 cm.
Sur les câbles horizontaux, les collerettes sont du même type ou remplacées par un manchon métallique de 40 cm de long, ou par un disque.
Fig. 239: Protection des gouttières. (D'après GIBAN.)
Fig. 240: Cônes métalliques antirats sur crib. (D'après FAO.)
Au niveau des greniers paysans sur poteaux, ou des cribs, on prévoit également des protections par cônes métalliques ou cylindres de tôle (40 cm de long), placés sur les pieds des greniers ou des cribs. Il est aussi important, pour des greniers sur poteaux (ébliva togolais, crib, greniers tressés posés sur plate-forme, etc.) que la base soit placée à au moins 70 cm du sol pour éviter que les rongeurs n'y accèdent en sautant.
D'une manière générale, on devra éviter tous les «ponts» pouvant permettre aux rongeurs d'atteindre la denrée. On évitera par exemple qu'un arbre touche un magasin ou qu'un grenier soit construit sous un arbre; les rongeurs peuvent en effet grimper dans l'arbre et se laisser tomber depuis les branches, dans le grain. Dans ce cas, plutôt que d'abattre l'arbre, il est préférable de fixer sur le tronc un manchon métallique.
8.2.1.2. Entretien du site
Les rats affectionnent les tas de détritus, d'ordures. Ils se réfugieront derrière les tas de vieilles ferrailles ou tous les amoncellements divers pouvant se trouver près des lieux de stockage. 'Etant craintifs, ils détestent les espaces vides et leurs pistes suivront de façon quasi certaine les objets laissés à l'abandon ou déposés à l'extérieur ou à l'intérieur des magasins de stockage ou des silos (vieux pneus, tas de sacs vides ou de vieux sacs, planches posées contre un mur...).
Il est donc nécessaire, dans la lutte préventive contre les rongeurs, de tenir les lieux de stockage en parfait état de propreté. Les abords des bâtiments devront également être parfaitement entretenus et on devra aménager tout autour des bâtiments une large bande de terrain parfaitement nette et propre. Il faudra donc évacuer tous les dépôts éventuels et couper les herbes.
Ces quelques méthodes de luttes préventives sont très faciles à mettre en uvre et nécessitent peu de moyens. Il est moins coûteux de les appliquer que de lutter contre une infestation.
Plusieurs méthodes de lutte curative sont utilisées contre les rongeurs avec plus ou moins de succès.
- Lutte physique
Piégeage
C'est une technique très ancienne qui n'est plus guère utilisée car elle n'a que des effets très limités (quelques individus). Les pièges sont des nasses, des tapettes, des trappes à guillotine, etc. Le seul intérêt au niveau d'un centre de stockage est qu'une capture pourra permettre d'identifier les espèces de rongeurs présents
Ultrasons
Les rats ne sont pas sensibles aux bruits courants, cependant rats et souris sont sensibles aux ultrasons.
On a donc pensé pouvoir les utiliser contre les rats. Cependant les résultats sont très médiocres; les sons sont atténués par les parois, les tas de sacs, etc.
- Lutte biologique
Culture bactérienne (lutte par «virus»)
Cette technique consiste à transmettre aux rats des maladies mortelles. Son emploi a soulevé des polémiques en raison des risques qu'elle peut faire courir à d'autres familles de rongeurs (myxomatose en Europe par exemple).
Prédateurs
Certains ennemis naturels des rongeurs tels les rapaces assurent un équilibre naturel qu'il faut chercher à préserver.
Les chats domestiques ont toujours été considérés comme les ennemis des muridés. En fait ils s'attaquent beaucoup plus aux souris qu'aux rats et leur efficacité est très limitée. Cependant au niveau individuel (stockage familial) leur présence peut être répulsive.
- Lutte chimique
C'est la méthode de lutte actuellement la plus efficace.
Produits
Les produits chimiques utilisés sont appelés raticides ou rodenticides. Ils sont de deux types: les poisons violents et les anticoagulants. Ces raticides sont présentés sous forme d'appâts.
* Poisons violents
La liste des produits est assez variée:
Anhydride arsenieux,
Phosphure de zinc,
Fluoacétate de sodium (ou 1080),
Sels de thallium,
Strychnine,
Seille rouge,
Antu.
Ces produits sont délicats à utiliser près des locaux de stockage de denrées alimentaires, car, étant des poisons violents, ils peuvent présenter un réel danger pour les hommes et les animaux domestiques. La seille rouge utilisée dans certains pays, peut être intéressante car elle agit avec un certain retard et est un vomitif pour l'homme et pour les animaux domestiques.
Dans certains pays ces produits sont frappés d'interdiction.
Le défaut de ce type de traitement est de provoquer la mort violente de quelques individus ce qui alerte toute la colonie de rongeurs et la rend méfiante. De plus une résistance aux raticides peut apparaître.
Cette technique nécessite donc un appâtage préalable à différents postes avec un appât attractif (grain). Ensuite les appâts sains sont remplacés par des appâts empoisonnés; cependant cette technique n'est pas toujours efficace.
Aujourd'hui on utilise plus généralement les raticides à action progressive que sont les anticoagulants.
* Poisons à action progressive
Coumafène,
Chlorophacinone,
Difénacoum,
Bromadiolone.
Les rats ont un système sanguin fragile, il est donc possible d'utiliser des produits anticoagulants pour provoquer leur mort par hémorragie interne. La mort n'est pas brutale mais ne survient que plusieurs jours après l'absorption du produit, ainsi elle n'éveille pas la méfiance de la colonie.
Les premiers raticides utilisés ont été le Coumafène (Warfarin) et la Chlorophacinone. Cependant des résistances à ces produits sont apparues en Europe. En Afrique, la Chlorophacinone est souvent employée. Dans les appâts, le pourcentage du produit raticide est Coumafène 0,025 % - Chlorophacinone 0,005 %.
Les anticoagulants modernes sont le Difénacoum et surtout la Bromadiolone (0,005 %) qui sont peu dangereux pour l'homme et les animaux domestiques (avec des réserves pour le porc).
Appâtage
L'appât, support du rodenticide, doit être attirant pour les rongeurs:
* les grains sont plus appréciés que les farines,
* les appâts humides sont attractifs en climat sec,
* les substances suivantes améliorent l'appétence des appâts:
sel | 4 g/kg |
sucre en poudre | 50 g/kg |
huiles végétales | 50 cm³/kg |
huiles de vaseline ou de paraffine | 30 à 50 cm³/kg |
beurre d'arachide | 20 à 30 g/kg |
Pour éviter que les appâts humides ne moisissent, on peut leur ajouter:
farines ou céréales aplaties | 0,2 à 3 % de paranitrophénol |
0,1 % de paranitrophénol | |
grains entiers | 0,1 % d'acide déshydroacétique |
Mise en place des appâts
Le raticide est mis en place sous formes d'appâts qui doivent être judicieusement placés pour être consommés.
Les appâts doivent être placés sur le parcours des rongeurs entre le gîte et le produit stocké, le plus près possible du gîte. Ils seront placés dans des endroits peu exposés car le rat hésite à manger à découvert.
Fig. 241: Différents postes d'appâtage. (Dessin CEEMAT d'après CNCATA.)
Ces caches ne doivent pas être accessibles aux animaux domestiques (poules et poussins par exemple).
Selon HALL le déroulement d'une opération peut être le suivant:
1er jour | : Pose d'appâts de 60 grammes à tous les emplacements choisis. |
3e jour | : Visite de tous les emplacements. Si l'appât a complètement disparu, porter la quantité à 120 grammes; si l'appât a été en partie consommé, compléter jusqu'à 60 grammes. |
5e jour | : Visite de tous les emplacements, comme le troisième jour. Porter la quantité à 240 grammes. Enlever les cadavres visibles. |
8e jour | : Visite de tous les emplacements. Si l'appât a été consommé, procéder comme précédemment. |
10e jour | : Retirer les appâts, sauf en cas de risque de réinfestation. |
Pour éviter ou prévenir l'apparition de résistances, il peut être intéressant, après un traitement aux anticoagulants par exemple, d'efféctuer un autre type de traitement. Enfin signalons qu'il existe des poisons dits «de piste» (notamment ANTU) que l'on place sur le passage des rongeurs de façon à en imprégner leur pelage. L'animal absorbe le raticide en se léchant. Cette technique risque cependant d'être dangereuse pour les grains stockés car, par frottement, les rats peuvent redéposer ce poison sur les denrées alimentaires.
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